Dans ce contexte économique chahuté, certains marchés s'en sortent mieux que d'autres. Le secteur de la beauté et santé semble faire partie de ceux tirant leur épingle du jeu. Les Français maintiennent leurs dépenses mais affichent certaines attentes. Décryptage.
Les confinements et l'essor du télétravail n'auront pas eu raison du marché de la beauté et de la santé. Si les consommateurs ont quelque peu délaissé le maquillage et autres parfums durant la crise sanitaire, ils semblent avoir repris leurs habitudes. Et les derniers chiffres publiés par Procos concernant le marché montrent bien cet engouement. Dans le commerce spécialisé, le segment de la beauté-santé reste en effet le domaine le plus plébiscité par les Français au premier semestre 2023, avec une hausse des performances de 13,1 %. Emmanuel Le Roch, délégué général de la fédération, note ainsi :
Les consommateurs ont repris leurs habitudes d'avant-Covid sur la parfumerie et le maquillage. Il y a aussi une très grosse hausse des prix sur ces produits.
Des hausses qui n'empêchent pas les Français de consommer. Selon une récente étude de l'institut Yougov, parmi les Français ayant acheté des cosmétiques en 2022, 57 % affirment avoir conservé le même budget quand 31 % ont déclaré avoir diminué leurs dépenses. 10 % ont, toutefois, dépensé davantage. "On note que les jeunes sont significativement plus nombreux à avoir vu leur niveau de dépenses progresser (21 % des 18-24 ans et 17 % des 25-34 ans)", analyse Yougov. En 2023, seuls 5 % des interrogés entendent accentuer leurs dépenses, tandis qu'une grande majorité (62 %) assurent vouloir maintenir leur budget dédié à la beauté. 26 % entendent pour autant réaliser des économies. "Parmi ceux qui prévoient de réduire leurs dépenses, 74 % déclarent faire plus attention à leurs finances que par le passé et 69 % avaient déjà diminué leur budget cosmétiques en 2022", insiste Yougov.
"Nous visons les 300 points de vente d'ici 2026"
Avec ses 187 points de vente en France, Adopt compte convaincre toujours plus de consommateurs. L'enseigne de parfums et produits cosmétiques, producteur et fabricant de l'ensemble de ses gammes, a la volonté d'étoffer son maillage. "Notre objectif est d'atteindre les 300 points de vente d'ici 2026. Nous voulons que tous les Français aient une boutique Adopt à 30 minutes de chez eux", insiste Nicolas Pellegrini, responsable expansion succursale et franchise pour l'enseigne. Rien qu'en 2023, l'enseigne compte ouvrir une cinquantaine de nouveaux magasins, en priorité dans des villes moyennes. "Nous privilégions la franchise car nous souhaitons nous appuyer sur leur expertise locale pour ouvrir de nouveaux points de vente", assure Nicolas Pellegrini. Et la marque de fabrique d'Adopt reste d'avoir adopté un flacon unique pour l'ensemble de ses fragrances. "70 % de nos ventes se font sur les parfums. On est producteur et distributeur. Nous n'avons pas d'intermédiaire et c'est le cœur de notre business model. Résultat : nous avons une très forte croissance", insiste Nicolas Pellegrini. Face aux attentes des clients, de plus en plus exigeants, Adopt a fait le choix de communiquer sur la qualité de ses produits. "Nous mettons l'accent sur notre production made in France, par exemple. Côté nouveautés, nous proposons 10 à 15 nouveaux produits par an. C'est élevé mais nous avons cette capacité chez Adopt, en étant producteur et fabricant, de pouvoir suivre ce rythme. Nous maîtrisons l'ensemble de la chaîne de valeur et c'est important", assure-t-il.
Prix, qualité et transparence
Autre tendance en ces temps de contexte économique chahuté : les Français semblent être de plus en plus volatiles. L'étude pointe en effet que plus de 5 Français sur 10 aiment essayer de nouvelles marques. Nicolas Pellegrini, responsable expansion succursale et franchise pour l'enseigne Adopt, analyse :
Nous remarquons que les 18-25 ans, en particulier, ne sont plus attachés à un produit. Ils n'ont pas envie d'avoir le même parfum toute leur vie et ont besoin de changement.
Les Français affichent également des attentes de plus en plus précises. Ainsi, de manière assez logique en ces temps de questionnement de pouvoir d'achat, pour 62 % des Français, le prix reste le critère numéro un avant de se positionner sur un produit. Un critère d'autant plus important aux yeux des femmes (68 %). Plus de 4 Français sur 10 portent également une attention accrue à la composition du produit (43 %) et à la marque (27 %). Et les questions liées à la RSE semblent également prégnantes. Yougov souligne ainsi : "Lorsqu'on demande aux Français s'il est important que les marques de produits cométiques qu'ils achètent soient engagées en faveur de l'environnement, 67 % répondent par l'affirmative. Un chiffre tiré à la hausse par les 25-34 ans (73 %)." 8 Français sur 10 préfèrent aussi acheter des produits fabriqués dans leur pays. D'où la nécessité pour les acteurs du secteur de se saisir de tous ces sujets. Marlène Bourg, directrice du développement de l'enseigne Yumi Studio, en a bien conscience et analyse ainsi :
Tous nos produits sont faits en France et nous essayons, autant que possible, de privilégier les partenaires locaux.
Mais cette dernière l'admet : des efforts de communication sont encore à réaliser par l'enseigne pour faire connaître cette qualité aux consommateurs. "Nous faisons les choses à notre rythme. Nous voulons mettre en avant notre savoir-faire tout en faisant attention à l'impact écologique. On n'est pas parfait, on le sait. Et notre volonté n'est pas d'être dans l'hypocrisie mais de faire savoir ce que l'on fait bien." Une équation pas toujours simple à résoudre mais qui est bien intégrée par les acteurs du secteur. Nicolas Pellegrini l'assure : "On communique beaucoup plus sur notre production made in France et nos valeurs RSE. Les consommateurs ont une très forte appétence pour ces aspects-là. Avec la conjoncture actuelle, les clients viennent chercher du prix mais aussi des produits qualitatifs. Il faut donc répondre à cette attente."
"Notre ADN ? L'hyperpersonnalisation des soins"
Initialement concepteur et producteur de produits dédiés aux soins esthétiques, Yumi a lancé son propre réseau en 2020, juste avant la crise sanitaire. "Forcément, cela a mis un petit coup de frein au développement, mais désormais, la volonté est d'intensifier le maillage via la franchise", insiste Marlène Bourg, directrice de l'enseigne Yumi Studio. Depuis février 2021, le réseau a accueilli ses deux premiers franchisés et vise un rythme d'une dizaine d'ouvertures à long terme. "Mais on prend le temps de recruter nos premiers partenaires qui seront clairement nos ambassadeurs. Nous ne sommes pas dans la course à l'ouverture", prévient Marlène Bourg. L'enseigne mise sur la qualité de ses produits, en très grande majorité élaborés en France, et sur la diversité de ses soins. "Nous proposons des soins que l'on ne peut pas forcément faire à la maison. Notre ADN ? L'hyperpersonnalisation des soins. Les consommateurs veulent de la valeur ajoutée", affirme Marlène Bourg. Pour renforcer son maillage territorial, Yumi Studio entend s'installer avant tout dans des retail park, sur des formats d'environ 80 mètres carrés. "Sur de très grosses agglomérations, on a la possibilité d'avoir des implantations en centre-ville. Ce qui comptera en priorité : l'accessibilité et le maillage local en termes de services ou commerces (coiffure, prêt-à-porter…)", souligne la directrice du développement.
Différenciation et nouveaux concepts
Si les signaux semblent au vert concernant l'achat de produits de beauté et cosmétiques, la consommation au sein des instituts de beauté est un peu moins positive. En effet, dans une étude datant du mois de mars dernier, Xerfi anticipait une consommation en baisse (-0,5 %) en valeur sur l'année 2023, analysant ainsi :
La confiance des ménages est au plus bas, plombée par l'anticipation de la dégradation de leur situation financière inhérente à l'inflation et par les perspectives d'un coup de froid sur la croissance.
Et l'institut d'études économiques ajoute : "Ces craintes en l'avenir se traduisent par des arbitrages de consommation défavorables aux soins de beauté, considérés comme superflus en temps de crise." Dans ce contexte, Xerfi prévoit un recours au do it yourself plus important, un espacement de séances réalisées en institut ou encore des choix de prestations moins onéreuses.
"Nous avons une dizaine d'ouvertures en cours"
Le réseau Cryotera a ouvert son premier centre dédié à la cryothérapie corps entier en 2016. Une époque où ce type de soins était loin d'être démocratisés. "Nous avons dû lutter contre les idées reçues et on a dû faire un gros travail de démocratisation pour expliquer les bienfaits de cette technique", affirme Guillaume Bouchet, co-fondateur du réseau. Pour parvenir à convaincre, Guillaume Bouchet et son frère jumeau, tous les deux associés, ont fait le choix de proposer des prestations naturelles, non-invasives et qui répondent au mieux aux demandes des consommateurs. "De plus en plus de Français pratiquent une activité sportive et portent attention à leur bien-être. Nos soins s'adressent tant aux sportifs qu'aux personnes souffrant de rhumatismes, douleurs chroniques ou autres inflammations. On intervient en complémentarité des praticiens de santé, on ne vient pas remplacer un médecin", détaille Guillaume Bouchet. À date, Cryotera affiche un réseau d'une douzaine de centres et souhaite continuer à intensifier son maillage territorial. "Nous avons une dizaine d'ouvertures en cours. Des centres qui seront opérationnels d'ici le premier trimestre 2024", affirme le co-fondateur. Pour se développer, Cryotera vise des locaux de 130 mètres carrés, sur des emplacements situés hors centre-ville. "On est sur un concept de destination. On vise la périphérie mais nous devons être facilement accessible avec une belle visibilité extérieure", souligne Guillaume Bouchet, avant de conclure : "On est un pionnier de la cryothérapie. C'est une activité nouvelle qui a encore besoin d'être démocratisée, mais ce n'est clairement pas un effet de mode. C'est aussi pour la rendre plus légitime que nous avons voulu prouver de manière scientifique les résultats des différents soins développés en créant un pôle de recherches, aujourd'hui reconnu par l'ensemble de la profession."
Quand on interroge les acteurs du secteur, cette réalité semble constatée mais la différenciation semble convaincre les consommateurs. "La beauté reste une valeur refuge pour les Français, même en temps de crise", affirme Marlène Bourg, avant de souligner :
Ce qui ressort véritablement des attentes des consommateurs : ils veulent des soins à valeur ajoutée.
Un constat partagé par Guillaume Bouchet, co-fondateur de l'enseigne Cryotera, spécialisée dans les soins de cryothérapie corps entier. "On est sur un segment de marché qui reste préservé. On sent que les Français ont besoin de prendre soin d'eux", affirme-t-il. Et l'entrepreneur conclut : "Le marché de la cryothérapie est en plein essor. On sent qu'il y a un vrai virage qui est en train d'être pris. La fréquentation dans les centres est bonne et on constate que les consommateurs s'intéressent de plus en plus à cette technique." Une chose est sûre : la prime au succès sera donnée aux concepts qui savent apporter un produit accessible, qualitatifs, innovant et différenciant. Futurs entrepreneurs, à vous de jouer !