Boulangeries et terminaux de cuisson : quelles perspectives pour le marché ?

Camille Boulate
Boulangeries et terminaux de cuisson : quelles perspectives pour le marché ?

Le marché des boulangeries et des terminaux de cuisson fait preuve de résilience depuis trois ans. En pleine mutation pour répondre aux nouvelles exigences des clients et s'adapter à un environnement économique incertain, le secteur offre toujours de belles opportunités aux porteurs de projet.

Résilience et transformation. Voilà deux mots qui pourraient qualifier le marché des boulangeries et des terminaux de cuisson. En effet, depuis trois ans et le début de la crise sanitaire, les acteurs du secteur ont dû clairement faire évoluer leurs concepts, leurs process et s'adapter de manière continue à un environnement économique incertain. Aujourd'hui, les entrepreneurs évoluant sur ce marché et les différentes enseignes doivent composer avec une inflation et des exigences de plus en plus nombreuses de la part des clients. "De façon évidente, la boulangerie est l'univers le plus résilient et qui a su se transformer avec la Covid-19, notamment sur la partie snacking", insiste Nicolas Nouchi, responsable des études au sein de CHD Expert. Même constat pour Bernard Boutboul, fondateur du cabinet Gira, spécialisé dans la restauration :

Les boulangeries ont fait un travail remarquable sur le déjeuner, la pause gourmande et ce que l'on appelle la tendance du 'frigo vide', très prégnante le soir.

En effet, depuis quelques années, les boulangers mais également les enseignes ont clairement revu leur offre, qui n'est plus seulement axée sur les produits traditionnels. Ainsi, selon les experts, 40 % du chiffre d'affaires des quelques 30 000 boulangeries présentes sur le territoire français est réalisé hors pains, viennoiserie et pâtisserie. Surtout, les derniers chiffres de CHD Expert montrent que les consommateurs privilégient de plus en plus les boulangeries pour leurs différents repas. Ainsi, 18 % des Français se rendent dans une boulangerie pour déjeuner (+ 4 points vs 2022, -1 pt vs 2019) avec un panier moyen atteignant désormais 9,20 euros. Aussi, le soir, 12 % des consommateurs se tournent vers leurs boulangeries pour prendre leur repas du soir, soit une hausse de 9 points comparé à 2022. Bernard Boutboul affirme :

Clairement, aux vues de l'offre proposées par les différents acteurs, notamment en termes de plats cuisinés, on peut se demander si les boulangeries ne prennent pas la place du traiteur de quartier.

Un discours nuancé par Nicolas Nouchi : "Je ne pense pas que les boulangeries prennent la place de qui que ce soit. En revanche, il y a une dynamique d'hybridation de marché. Les acteurs du secteur s'inspirent d'autres métiers. Dans ce contexte, les boulangeries ne ressemblent plus à ce que l'on connaissait avant, c'est certain."

La Mie Câline : "Nous avons le potentiel d'atteindre 300 points de vente d'ici 2025"

L'enseigne La Mie Câline entend bien intensifier son maillage territorial. Avec 240 points de vente au compteur, le réseau historiquement implanté en centre-ville vise désormais les zones périurbaines. "Ces emplacements nous permettent de nous exprimer davantage avec un espace d'accueil et des places assises. Nous souhaitons également intensifier notre présence dans les gares, métro et stations-services", souligne David Giraudeau, directeur général de l'enseigne. Le réseau affiche de belles performances avec une année 2022 en hausse de 6,7 % en 2022, soit un chiffre d'affaires atteignant les 203 millions d'euros. "C'est très positif. Ce qui l'est moins est que nous avons dû modifier notre modèle économique et les équilibres à cause de l'inflation", insiste le directeur général. Pour se développer, l'enseigne mise notamment sur ses franchisés déjà en place. "Nous avons beaucoup de multi-franchisés dans notre réseau. Nous avons le potentiel d'atteindre 300 points de vente d'ici 2025 sur l'ensemble du territoire", explique David Giraudeau.

 

Les enseignes performent

Dans un marché en proie à de nombreuses mutations, les experts constatent une chose : le nombre de boulangeries artisanales est en baisse. "Il y a eu un nombre important de fermetures ces dernières années, notamment en milieu rural", constate Nicolas Nouchi. Toutefois, le chiffre d'affaires du secteur reste en hausse. Selon CHD Expert, les performances des boulangeries seraient en progression de 3 % en 2022 comparé à 2019, pour un chiffre d'affaires annuel moyen atteignant désormais les 450 000 euros. "Les fermetures sont compensées par un nombre de créations et un développement effréné des chaînes de boulangerie", souligne Nicolas Nouchi, avant d'ajouter :

Il y a eu une remise à zéro de l'offre en boulangerie, notamment en zones périurbaines, offrant de nombreuses opportunités aux enseignes et donc aux porteurs de projet.

Marie Blachère, Boulangerie Ange ou encore La Mie Câline… les enseignes accentuent toutes leur maillage territorial et n'hésite pas à investir des zones de chalandises situées davantage en périphérie des villes. "Nous avons à date 240 magasins sur l'ensemble du territoire. Notre terrain de jeu historique reste les emplacements de centre-ville, avec 190 boutiques. Mais de plus en plus nous misons sur un développement périurbain, avec systématiquement des places assises", développe David Giraudeau, directeur général du réseau La Mie Câline. Même stratégie pour l'enseigne Feuillette, fondée par Jean-François Feuillette. Le réseau compte une cinquantaine de points de vente, dont une trentaine en franchise. "Nous visons les villes moyennes. Nous pouvons nous implanter dans des zones de 15 000 habitants", détaille-t-il.

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L'exigence de la qualité

Autre axe stratégique pour le marché : la qualité. Depuis plusieurs années, les exigences des consommateurs s'intensifient, impliquant une montée en gamme des offres proposées par les acteurs du secteur. Que l'ensemble des produits soient confectionnés sur place ou non. David Giraudeau assure : "En termes d'image, on a un peu la double peine. On est industriel, on fait de la surgélation et on est une chaîne. Dans l'imaginaire des consommateurs, cela peut paraître moins bien, moins qualitatif. Or c'est faux", assure-t-il. En effet, le concept de La Mie Câline n'implique pas de réaliser le pain (pétrissage, façonnage sur place). L'enseigne compte sur son atelier de production pour réaliser la grande majorité de ses produits et approvisionner ses magasins. Mais ne lésine pas sur la qualité. "La transparence fait clairement partie des attentes des consommateurs. C'est aussi pour cela qu'il est important d'avoir une politique RSE. C'est dans notre ADN depuis très longtemps. Mais nous communiquons sur nos actions depuis 2019, avec le programme À cœur d'agir", détaille le directeur général de l'enseigne. Et ce dernier précise :

À titre d'exemple, nous sommes très fiers d'afficher 96 % de fournisseurs français.

L'enseigne Boulangerie Feuillette mise également sur son laboratoire central pour approvisionner ses points de vente. "15 % des produits, qui sont plus techniques à réaliser, sont confectionnés dans ce laboratoire. Pour le reste, tout est fait sur place, dans chaque boulangerie. Nous avons même fait le choix d'embaucher, dans chacune des boutiques, des cuisiniers afin de monter en gamme notre offre snacking. Ce segment affiche un avenir énorme, il ne faut pas le négliger", explique Jean-François Feuillette.

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Aussi, la tendance du vegan et du végétal semble également gagner le secteur. En témoigne la création d'enseignes qui ont fait le choix de se spécialiser uniquement sur ce pan de marché. C'est le cas de Land & Monkeys, fondé par le boulanger-pâtissier Rodolphe Landemaine. L'enseigne compte 6 points de vente, exclusivement à Paris, mais compte bien se développer notamment grâce à la Franchise. "Ces concepts 100 % végétal ont toute leur légitimité dans les grandes villes, où les clients se sentent plus concernés. Sur le marché de la boulangerie vegan ou végétales, de plus en plus de concepts fleurissent. Leur offre est assez bluffante. Il faudra toutefois être vigilant à l'équilibre entre l'offre et la demande", concède Nicolas Nouchi.

Boulangerie Feuillette : "18 points de vente devraient voir le jour en 2023"

Avec sa cinquantaine de boutiques, le réseau Boulangerie Feuillette fait figure de petit poucet face à la concurrence. Pourtant, le réseau affiche de très belles performances. "Le CA moyen par point de vente atteint 2,5 millions d'euros. Nous affichons les meilleurs résultats du secteur sous enseigne", affirme Jean-François Feuillette, fondateur de l'enseigne. Le réseau entend continuer à séduire clients et porteurs de projet. "18 points de vente devraient voir le jour en 2023. Nous accueillerons de nouveaux franchisés mais continueront d'ouvrir en succursales. Je suis un entrepreneur, j'aime porter des projets, c'est important de continuer à développer le concept en propre", insiste le fondateur. Pour lui, la qualité et s'adapter aux nouvelles tendances sont deux aspects primordiaux. "Le snacking prendra encore énormément de place. Il y a un avenir énorme pour ce pan de marché. C'est pour cela que nous avons intégré des cuisiniers dans nos points de vente afin de monter en gamme l'offre proposée", insiste Jean-François Feuillette.

Vers un coffee bakery à l'américaine ?

Enfin, la tendance qui semble s'affirmer de plus en plus et qui devrait prendre son essor dans les années à venir reste celle des boissons chaudes. "Après le snacking, c'est le segment de marché qui va devenir très performant. C'est une tendance qui va inscrire davantage le secteur de la boulangerie dans les différents temps de consommation de la journée", souligne Nicolas Nouchi. Aujourd'hui, le segment des boissons chaudes consommées en boulangerie semble pourtant en être encore à ses balbutiements. En effet, seulement 4 % des cafés consommés hors domicile le sont dans des boulangeries ou terminaux de cuisson. "Mais cela va s'intensifier, notamment avec la modernisation des espaces de consommation proposés par les acteurs du secteur", insiste Nicolas Nouchi, avant d'ajouter :

On le voit, les boulangers se sont équipés en machines plus performantes et mettent de plus en plus en avant des recettes gourmandes. C'est assez nouveau pour le consommateur mais cela séduit.

Une tendance dont se saisit La Mie Câline. Lors du dernier salon Franchise Expo Paris, l'enseigne a présenté son nouveau concept dans lequel elle a intégré cette nouvelle offre. "On a voulu faire de nos points de vente de vrais espaces de vie, où l'on peut se restaurer sur place. C'est d'autant plus faisable sur nos unités de périphérie où les emplacements sont plus grands", détaille David Giraudeau, avant d'ajouter :

La tendance du café bakery devient de plus en plus prégnante dans notre offre. Nous avons donc pensé notre concept en intégrant clairement cette dimension

En tant que futurs porteurs de projet, il faut donc prendre clairement en considération toutes ces mutations à venir. Si vous optez pour ce secteur, la qualité des produits est un axe essentiel mais cela ne fera pas tout. "La boulangerie ce n'est plus un métier d'artiste ou de puriste mais un vrai métier d'entrepreneur. Les porteurs de projet doivent bien identifier leur point de vente comme un espace de partage. Plus le client reste, plus il consomme", conclut Nicolas Nouchi.

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