Ces entrepreneurs se sont lancés en temps de crise. Ils racontent.

Camille Boulate

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Ces entrepreneurs se sont lancés en temps de crise. Ils racontent.

Depuis 2019, l'environnement économique, sanitaire et social peut rendre frileux les porteurs de projet. Pourtant, des opportunités peuvent naître des situations complexes. Et certains entrepreneurs n'ont pas hésité à passer le cap. Même s'ils ont dû toutefois s'adapter.

L'éternelle question de tout entrepreneur reste la même : est-ce vraiment le bon moment pour se lancer ? Il faut dire que les dernières années n'ont pas été des plus calmes. Les Gilets Jaunes, la crise sanitaire et ses restrictions, la guerre en Ukraine et maintenant le contexte inflationniste… Il y aurait toujours un argument pour vous empêcher de vous lancer. Pourtant, les experts en entrepreneuriat vous le diront sans cesse : ne cherchez pas le moment idéal pour passer le cap ! Des crises peuvent naître des opportunités mais surtout, un entrepreneur doit savoir naviguer dans un environnement incertain. Nous avons interrogé trois entrepreneurs franchisés qui ont pris la décision de se lancer alors que le contexte économique n'était pas des plus calmes. Ils racontent.

Ylana Chalem (Helen Doron English) : "Le contexte économique m'a évidemment effrayé"

Scientifique de formation, Ylana Chalem fait une grande partie de sa carrière dans l'industrie pharmaceutique. "J'étais à des postes de direction. Mais cela faisait des années que je n'étais plus heureuse dans ce métier. J'avais beaucoup de mal avec la pression des laboratoires pharmaceutiques et j'en étais à venue à faire de la politique d'entreprise plutôt que mon vrai travail", confie-t-elle. En mars 2020, à l'arrivée de la Covid-19, une vraie réflexion s'opère. "Ma mère était décédée un peu avant l'arrivée du virus. Ma tante a ensuite contracté le Covid-19 et est également décédée. Ce fut un électrochoc", se rappelle-t-elle. À l'époque, Ylana Chalem réfléchit alors vers quoi s'orienter. Rapidement, l'envie de se tourner vers le domaine de l'éducation et notamment de l'anglais émerge. "Je suis d'origine latino-américaine, née en Colombie et arrivée en France à l'âge de 3 ans. J'ai été élevée dans un environnement où l'on me parlait constamment anglais et espagnol. Ce fut une vraie chance, constate-t-elle, avant d'ajouter :

En France, on n'est pas très bon dans l'apprentissage de l'anglais. En tant que manager j'ai constaté que l'anglais pouvait être un vrai problème pour mes équipes, notamment à l'oral.

Elle s'oriente alors vers la franchise Helen Doron English qui mise sur un apprentissage en situation et de manière ludique. "C'est comme ça que j'ai appris, donc forcément, cela me parlait", insiste la franchisée. Elle ouvre son agence en 2021, à Paris, dans le 17e arrondissement. Et quand on l'interroge sur le contexte économique et sanitaire de l'époque, elle répond sans fard. "Cela m'a effrayé, évidemment. Mais j'ai obtenu un prêt d'honneur qui m'a permis de gonfler mon apport personnel et donc d'emprunter un peu moins. J'ai donc pu garder un matelas de sécurité, insiste-t-elle, avant de préciser :

Car je savais que le concept Helen Doron English est un concept qui n'est pas rentable tout de suite et que je n'aurais pas de salaire pendant deux ans.

Concernant l'activité, l'entrepreneure assure d'être dans son prévisionnel mais reste plutôt vigilante pour les mois à venir. "Je sens une vraie pression sur le pouvoir d'achat. Donc c'est une vraie incertitude pour nous. Les Français ne sont pas habitués à payer pour l'éducation scolaire de leurs enfants. Même si nous avons une clientèle plutôt CSP +, il est possible que les familles arbitrent certains postes de dépenses", estime Ylana Chalem. Si tout n'est pas un long fleuve tranquille, la chef d'entreprise assure : "Me lancer dans l'entrepreneuriat reste la meilleure décision que j'ai pu prendre. Je ne dis pas que c'est facile d'être entrepreneur. Mais je suis heureuse de me lever le matin pour faire mon métier", confie-t-elle.

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Aux futurs porteurs de projet, Ylana Chalem conseille de ne rien lâcher, de bien travailler son projet et surtout de se faire entourer. "Lancez-vous ! Certes l'environnement économique n'est pas des plus calmes. Mais il faut prendre le risque. Faites une étude de marché solide, ne sautez pas cette étape, c'est primordial. Et surtout, soyez entouré car la solitude c'est vraiment la chose la plus difficile, affirme-t-elle avant de conclure :

C'est là toute la force de la franchise : quand on a un coup de mou, on s'appelle et on se motive !

Liz Deysieu (Apef) : "Créer une entreprise n'est pas un eldorado"

Chef de service dans Ehpad mais aussi responsable de secteur d'une agence de services à la personne, Liz Deysieu est devenue franchisée Apef en 2020. "J'ai toujours voulu entreprendre et lancer mon agence. Mais j'attendais d'avoir un peu plus d'expérience professionnelle", explique-t-elle. Elle contacte alors le Groupe Oui Care avant le Covid-19 et se lance dans son projet de création d'entreprise. "J'ai pris ma décision avant la crise sanitaire. Quand le Covid est arrivé, je ne me suis pas du tout demandé si c'était le bon moment ou pas. Je me suis lancée, car si on a peur, on ne fait rien", insiste la jeune femme de 29 ans.

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Liz Deysieu ouvre son agence en novembre 2020 près de La Rochelle. À l'époque, les restrictions sanitaires sont encore présentes et les contaminations liées au Covid-19 repartent à la hausse. "Ma chance fut que l'on avait demandé la vaccination à l'ensemble de nos employés. Ce qui était bien expliqué aux clients. Ils étaient donc rassurés, cela n'a pas donc été un frein pour l'activité", souligne-t-elle. De manière générale, la franchisée n'a pas eu de craintes spécifiques concernant le contexte sanitaire et économique. "Ce qui fait peur, au final, c'est la cr"ation d'entreprise. Car ce n'est jamais le bon moment pour se lancer, prévient-elle, avant d'ajouter :

Personnellement, ma fille avait un an quand j'ai décidé de me lancer. Je voulais me mettre à mon compte pour elle et passer du temps avec elle. Mais on se rend vite compte que la première année c'est impossible !

Pour appréhender au mieux le contexte économique, Liz Deysieu a tout de même adapté son projet. Elle a ainsi revu son business plan. "Je voulais avoir une soupape de sécurité. Tout le monde avait peur à l'époque et personne ne créait son entreprise. Mon conseil : il faut être simplement très bien accompagné, notamment par un expert-comptable", assure-t-elle. La jeune entrepreneure alerte également sur les idées reçues d'être son propre patron : "Créer une entreprise n'est pas un eldorado ! On entend beaucoup de porteurs de projet vouloir se lancer et penser qu'ils aménageront leur temps comme ils veulent, explique-t-elle avant de préciser :

Si votre souhait est vous développer, il faudra vous investir personnellement ! Surtout soyez patient et n'ayez pas peur de dépenser de l'argent sur les recrutements !

Côté activité, si aujourd'hui Liz Deysieu reste satisfaite de l'activité, elle admet que le démarrage fut progressif. "Cela a démarré doucement mais c'était très bien. Cela m'a permis de prendre mes marques et de bien me structurer. Les demandes des clients sont là. L'activité se porte bien, notamment avec la mise en place de l'avance du crédit d'impôt. Ma volonté est de me développer sur une nouvelle agence", conclut-elle.

Jean-François Dumazy (La Vignery) : "Il y a des craintes pour 2023"

Après une grande partie de sa carrière dans la grande distribution, Jean-François Dumazy a fait le choix de se lancer à son compte en rejoignant l'enseigne de cavistes La Vignery. "J'ai ouvert mon magasin en septembre 2020 à Illies, dans les Hauts-de-France. Le projet murissait depuis deux ans. J'ai participé au salon Franchise Expo Paris en mars 2019 où j'ai rencontré la tête de réseau", se rappelle le chef d'entreprise. Jean-François Dumazy ouvre entre les deux confinements. À l'époque, le franchisé ne se pose d'ailleurs pas la question de décaler son ouverture. "Il n'y a clairement pas eu de remise en cause de mon projet au contraire. On ne mesurait pas quelle ampleur cela allait prendre, admet-il, avant de préciser :

En revanche, il y a eu une vraie prise de conscience sur le fait que les magasins alimentaires restaient essentiels.

Si l'activité démarre plutôt bien, notamment grâce aux actions publicitaires menées en local, elle s'effondre quelques semaines après. "J'ai réalisé une bonne ouverture mais, dès le mois de novembre, les nouvelles restrictions sanitaires tombent. Les clients ne pouvaient plus quitter leurs départements, ce qui était une mauvaise nouvelle pour moi car j'ai une partie de la clientèle qui vient du Pas-de-Calais", confie Jean-François Dumazy. Résultat : le franchisé accuse, en quelques jours, une chute de 30 % de son chiffre d'affaires. "Mais nous avons eu de la chance d'être considéré comme magasins essentiels. Du coup, j'ai retrouvé une activité plutôt normale sur le long terme", confie le franchisé. Pour éviter les mauvaises surprises, l'entrepreneur n'a pas hésité à être prudent dans son prévisionnel. Il explique ainsi : "Je n'avais pas prévu un chiffre d'affaires indécent à réaliser. Donc j'étais dans mes prévisions dès la première année."

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Pour 2022, le franchisé prévoit une croissance de son activité de 8 à 10 %. Si la tendance est positive, Jean-François Dumazy reste plutôt inquiet pour l'année à venir. "Il y a clairement des craintes pour 2023. Avec le contexte, on peut se demander si les consommateurs seront plus attentifs à leurs dépenses. On ne sait vraiment pas ce que cela va donner", insiste-t-il. Pour les porteurs de projet qui envisagent de se lancer, Jean-François Dumazy conseille d'être avant tout attentif à l'emplacement. Le franchisé s'est positionné sur une zone commerciale nouvelle et prévient qu'il faut être vigilant aux nouvelles ouvertures. "J'ai un fleuriste qui est pas très loin, ainsi qu'une boulangerie. Cela draine clairement de la clientèle. Mais les ouvertures se font très lentement, concède-t-il, avant de conclure :

Étudiez précisément qui seront les acteurs à côté de vous et surtout leur positionnement. Il faut que vous ayez la certitude que d'autres commerces ouvriront et de manière assez rapide. Car il faut du flux et donc des clients pour travailler votre publicité.

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