Consommation par abonnement : nouvel eldorado des retailers ?

Camille Boulate
Consommation par abonnement : nouvel eldorado des retailers ?

Démocratisé par des acteurs digitaux, le modèle de l'abonnement commence à séduire de plus en plus de retailers. L'objectif ? Fidéliser davantage la clientèle tout en créant de la récurrence de chiffre d'affaires. Explications.

Casino, Kiabi, Boulanger, Monoprix, But, Del Arte, Decathlon… Qu'ont en commun ces grandes enseignes nationales ? Toutes succombent, à leur rythme, à la mode de la consommation par abonnement. Location de vêtements, de produits électroménagers ou sportifs, consommation illimitée de pizza, réduction sur les produits alimentaires… Les marchés sont divers et la tendance semble bien lancée. En témoigne l'analyse de l'institut d'études économiques Xerfi qui vient de publier une analyse sur le sujet. "Si cela reste encore marginal sur les biens de consommation et d'équipement, on voit de plus en plus d'initiatives fleurir", soulève Benoît Samarcq, directeur d'études chez Xerfi, spécialiste de la distribution BtoC. Et ce dernier ajoute :

Selon les secteurs d'activité et le type de produits visés, l'offre d'abonnement répond à des objectifs variables (montée en gamme, fidélisation de la clientèle, etc.)

Le modèle de l'abonnement illimité, désormais bien ancré dans l'esprit des Français grâce aux plates-formes de vidéo à la demande, semble donc gagner du terrain. Selon Xerfi, en moins de 10 ans, les services tels que Netflix, Amazon Prime ou encore Disney + ont bouleversé nos habitudes de consommation et génèrent à eux seuls 90 % des revenus du marché de la vidéo à la demande en France, soit 1,85 milliards d'euros en 2022.

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De quoi susciter l'intérêt des retailers qui semblent de plus en plus nombreux à vouloir adopter ce modèle. Si cela répond à une demande des consommateurs, d'autres avantages émergent pour les enseignes. "L'intérêt pour les acteurs du retail est de pouvoir générer un cashflow beaucoup plus prévisible. Et donc de gérer une trésorerie plus récurrente mais également de piloter leur activité en ayant davantage de visibilité", insiste Benoît Samarcq.

Chez Del Arte, l'abonnement pour rajeunir la clientèle

En octobre dernier, l'enseigne du groupe Le Duff, spécialisée dans la restauration italienne annonçait le lancement d'un abonnement. D'abord en test dans 13 restaurants, l'offre a été élargie est désormais proposée dans 18 points de vente. "Nous avons pensé à cette offre pour répondre à un contexte marqué par l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat", explique Sandrine Brohan, directrice marketing chez Del Arte. Pour 35 euros par mois, le consommateur peut désormais venir une fois par jour consommer l'un des sept plats proposés. "Cela a très vite séduit. Nous avons 450 abonnés à date et nous constatons, en moyenne, deux passages par semaine par abonné. C'est une fréquence intéressante et c'est un gage de fidélité de la clientèle", souligne Sandrine Brohan. Pour Del Arte, l'objectif était double : rajeunir la clientèle et redynamiser la fréquentation des restaurants le midi en semaine, en souffrance depuis la crise sanitaire. "Un pari réussi. On constate que 56 % de nos abonnés ont moins de 34 ans et environ 60 % sont des nouveaux clients", confie Sandrine Brohan. Pour autant, si le constat est très positif pour le réseau, Del Arte ne souhaite pas forcément déployer ce service à l'ensemble du réseau. "On est convaincu que le principe de l'abonnement est quelque chose de très intéressant car c'est un bon moyen de recruter et fidéliser le consommateur. En revanche, aujourd'hui, cela reste une logique très locale et cela dépend donc de la demande dans chaque restaurant", conclut la directrice marketing.

RSE, fonctionnalité et inflation

Autant d'éléments qui ne sont pas négligeables dans un contexte inflationniste et dans lequel les consommateurs passent au crible une grande partie de leurs dépenses. En effet, avec l'abonnement, "le client a l'impression d'être dans un achat immédiat moins douloureux car il paiera via des mensualités", insiste Benoît Samarcq.

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L'enseigne But l'a bien compris. Après un test sur 5 boutiques, le réseau dédié à l'ameublement a annoncé fin mars déployer son service de location longue durée sur la literie, les sièges et les canapés à l'ensemble de ses 332 boutiques. "Alors que les consommateurs sont fortement impactés par une situation conjoncturelle tendue, chez BUT, nous réfléchissons en permanence à adapter nos services pour préserver leur budget. En optant pour la location longue durée, nos clients pourront ainsi continuer à s’équiper avec des marques de référence et se faire plaisir. Le niveau de garantie est également un vrai gage de sécurité pour eux", soulignait, dans un communiqué, Bruno Bachelard, directeur des services chez BUT. Du côté des consommateurs l'abonnement est également un moyen évident de consommer plus durablement. Et de manière raisonnée. Un aspect RSE que les enseignes ont bien en tête dans leur consommation. Benoît Samarcq analyse :

Quand on loue sa perceuse plutôt que d'en acheter une car on sait qu'on ne l'utilisera pas souvent, cela répond clairement à un enjeu environnemental. Decathlon l'a notamment très bien fait sur les produits sportifs.

En effet, l'enseigne a déployé son offre de location en octobre 2021. Avant de s'ouvrir à d'autres familles de produits, le service de location était dans un premier temps axée sur les vélos dédiés aux enfants. "Nous avions un postulat de départ : les vélos grandissent en même temps que les enfants et le besoin de changer de produits intervient rapidement. Dans ce contexte, la location, trouvait tout son sens", nous a détaillé l'enseigne. En 2022, Decathlon a enregistré 20 000 locations. Un chiffre qui devrait rapidement augmenter puisque l'enseigne a étoffé son offre, désormais accessible sur des produits de musculation.

Bocage, précurseur de la location de chaussures

En 2018, la marque du groupe Eram se lance dans le grand bain de la location. L'Atelier Bocage est né après avoir interrogé les clients sur les axes potentiels d'innovation. Le principe est simple : les clients peuvent louer, avec un engagement de deux mois, n'importe quelle paire de chaussures, soit en boutique, soit sur Internet. "Au bout de l'engagement, il est possible d'acheter la paire avec un rabais de 50 % ou de repartir sur une autre paire en location", détaille Juliette Biotteau, co-directrice de Bocage. Si aujourd'hui ce mode de consommation semble dans l'air du temps, en 2018, Bocage faisait clairement figure de précurseur sur son segment. "Dans notre marché, l'hygiène était un vrai frein pour les clients", insiste Juliette Biotteau. Si l'offre d'abonnement Atelier Bocage ne concerne que les produits neufs proposés par l'enseigne, celle-ci avait à cœur de pouvoir recycler et réutiliser les paires louées et non achetées par les clients. "Grâce à notre outil de production, les chaussures sont réparées et nettoyées. Puis remises en vente via notre offre de seconde main en magasin ou sur notre site Claquettes Market, dédié à l'offre d'occasion du groupe Eram", explique Juliette Biotteau. L'Atelier Bocage compte aujourd'hui 3 000 abonnés permettant de créer une vraie récurrence de chiffre d'affaires. "La plupart des clients optant pour l'abonnement repartent sur une autre paire en location à la fin de l'engagement de deux mois. Nous sommes convaincus de ce modèle, clairement complémentaire des ventes classiques. Nous pensons que l'on peut encore améliorer, notamment sur la partie digitale", explique Juliette Biotteau. Pour la co-dirigeante, l'enjeu au départ fut de former et convaincre les forces de vente de la pertinence d'un tel service. "La crainte des équipes était la perte de chiffre d'affaires. Au final, cela s'est vite dissipé. Tout simplement parce que ce système est fidélisant et permet de nouer une relation privilégiée avec le client qui reviendra en boutique tous les deux mois", insiste Juliette Biotteau.

Des freins évidents

En tant que futurs entrepreneurs, est-ce à dire qu'il faut absolument s'orienter vers ce business model ? La réponse est loin d'être limpide. S'il est évident qu'il ne faut pas négliger cette nouvelle manière de consommer, il faut garder à l'esprit que sur les biens de grande consommation, la tendance n'en est qu'à ses débuts. Les acteurs du retail affinent leurs offres et séduisent les consommateurs, mais certains freins continuent d'exister. Tandis qu'à l'usage, d'autres peuvent émerger. "Je ne pense pas que les consommateurs puissent se lasser de ce modèle, en revanche, ils vont être sûrement réfractaires à démultiplier les abonnements. L'abonnement vient grossir un ensemble de dépenses pré-engagées qui peut être déjà élevé. Le consommateur reste attaché à conserver une liberté dans ses choix des produits qu'ils consomment, il faut en avoir conscience", explique Benoît Samarcq. L'expert de chez Xerfi prévient :

L'un des axes de développement sera de proposer des offres groupées d'abonnements, comme le propose Amazon Prime avec Deliveroo par exemple.

Une synergie qui peut permettre aux enseignes d'élargir rapidement leurs bases d'abonnés tout en se démarquant sur leur marché via des services complémentaires. "Il faut toutefois des produits et/ou services qui se combinent bien", rappelle Benoît Samarcq. En revanche, ayez à l'esprit que tous les secteurs d'activité ne se prêtent pas forcément au système d'abonnement.

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Même si Del Arte (voir encadré) a déployé une formule qui semble porter ses fruits, la restauration reste un marché compliqué à adresser via ce modèle. "De manière générale, l'abonnement et la location sont des leviers pertinents pour répondre à un besoin très récurrent, comme c'est le cas pour la livraison de couches pour bébé ou de croquettes pour animaux", souligne Benoît Samarcq. Malgré tout, quel que soit le marché visé, l'expert conseille aux futurs entrepreneurs d'étudier de près ce modèle. "S'il existe un levier pour développer l'abonnement sur votre concept ou votre projet entrepreneurial, faites-le ! Cela peut être intéressant de le glisser dans votre business model. Même si, de prime abord, cela semble moins naturel sur votre marché : c'est un bon moyen d'être disruptif et d'innover !"

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