Corners, magasins éphémères, foodcourts... Ces nouveaux formats performent-ils vraiment ?

Camille Boulate
Corners, magasins éphémères, foodcourts... Ces nouveaux formats performent-ils vraiment ?

Dans le choix de l'emplacement, la localité n'est pas le seul aspect à prendre au sérieux. Le format compte aussi beaucoup. Si les modèles classiques font toujours leurs preuves, depuis plusieurs années de nouvelles typologies d'emplacements voient le jour. Mais sont-elles forcément viables ? 

Face aux nouvelles habitudes de consommation, les acteurs du commerce et de la restauration continuent d'innover. Et de sortir des sentiers battus. Depuis plusieurs années, différents formats voient le jour. Ainsi, de plus en plus d'entrepreneurs, de marques voire même de réseaux de franchise se lancent sur des modèles éphémères, de corners et de foodcourts. Avec les mêmes objectifs : tester le marché et capter une clientèle plus large. "Les corners mais aussi les magasins éphémères sont d'excellents terrains de jeu pour tester un concept ou bien un marché, confirme Rémi Le Druillenec, co-fondateur de l'agence de retail design Héroïne. Notamment pour les marques qui n'ont pas encore leur propre réseau de boutiques."

Envie de renouvellement

L'émergence de nouveaux formats va surtout de pair avec les envies des consommateurs, qui se lassent de plus en plus vite. Et qui viennent moins facilement en magasins. Résultat : il devient difficile de les fidéliser. Rémi Le Druillenec assure ainsi :

Il y a un vrai besoin de surprendre les consommateurs !

Les corners et les kiosques s'inscrivent parfaitement dans cette optique. Ce sont de vrais leviers pour créer de la nouveauté, particulièrement dans les centres commerciaux. "Sur ces formats, en revanche, on est avant tout sur de l'usage. Le corner c'est rapide et fonctionnel. Si l'objectif est de proposer une offre, de restauration rapide par exemple, cela répond parfaitement aux demandes. Ce type de modèle n'a pas du tout de vocation à proposer une immersion", analyse Rémi Le Druillenec.

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Et les enseignes sont clairement séduites par ces modèles. Des marques comme Franks Hot Dog ou encore Cabaïa ont fait le choix de tester leur business model et leur offre sur ce type de cellules commerciales avant de se développer sur des boutiques pérennes. "Je crois très fort à ces formats. Des baux commerciaux très courts peuvent être conclus et cela permet de diminuer le risque, en n'investissant pas 250 000 euros dans un magasin, que cela soit pour l'enseigne ou pour des franchisés", affirme Emmanuel Jury, président du cabinet Progressium. L'expert a d'ailleurs développé un format éphémère pour le réseau de décoration La Chaise Longue. En misant sur ce modèle, l'enseigne a pu tester de nouveaux territoires qui n'étaient pas, initialement, dans sa stratégie de développement "Ce fut le cas à Toulon. Sur le papier, il n'y avait pas la clientèle pour un magasin La Chaise Longue, étant orientée plutôt CSP +. Nous avons testé le concept pendant 6 mois, ce fut un véritable succès", confie Emmanuel Jury.

Cabaïa : "Avec les pop-up stores, on a tout appris"

Bastien Valensi a lancé Cabaïa en 2015. Le jeune entrepreneur mise d'abord sur un premier produit, le bonnet customisable. "Je ne voulais pas faire comme les autres. Je voulais proposer une façon de consommer plus ingénieuse et durable. D'où l'idée du bar à bonnets, où le client choisissait une base et un pompon", détaille le fondateur. Dès le départ, Bastien Valensi met en place une distribution omnicanale. Et notamment via des pop-up stores. Le premier ouvre dans le centre commercial Vélizy 2, dans les Yvelines. "Cela a tout de suite bien fonctionné. La mécanique du corner a augmenté le trafic sur notre site Internet. On s'aperçoit rapidement que c'était un vrai cercle vertueux", insiste l'entrepreneur. Face à ce succès, Cabaïa se diversifie. Chaussettes, serviettes de plage puis le sac à dos qui voit le jour en 2019. À ce moment-là, Bastien Valensi souhaite orienter sa stratégie vers une distribution dans des boutiques pérennes. "On recherche les premières cellules fin 2019. Avec le Covid-19 les choses ont été un peu ralenties, mais nous avons ouvert notre première 'vraie' boutique dans le marais en mai 2021", détaille le chef d'entreprise. Avoir testé son concept sur un format éphémère a été salvateur pour Cabaïa. "Avec les pop-up stores, on a clairement tout appris. Car ce modèle affiche des contraintes supplémentaires :toutes les problématiques des boutiques classiques sont décuplées", conclut l'entrepreneur.

L'essor des foodcourts

Parmi les formats en vogue ces derniers mois, le foodcourt est l'un de ceux qui se taille la part du lion. Des groupes comme Pitaya, avec son Monkey Market ouvert cet été au centre commercial de La Défense, l'ont bien compris. Plus récemment, le nouveau centre commercial les Ateliers Gaîté intègre le premier foodcourt Food Society de la Capitale. Au total, ce sont une quinzaine de restaurants, de bars à cocktails et autres caves-épiceries qui cohabitent sur près de 4 000 mètres carrés. François Blouin, président et fondateur du cabinet Food Service Vision constate alors :

Ce modèle est le miroir physique de ce qu'il se passe en digital avec UberEats ou Deliveroo.

"Cela permet aux consommateurs, aux goûts différents, de consommer ensemble dans un même lieu. C'est une tendance sociétale, qui risque de s'intensifier. Mais il faudra voir comment les opérateurs vont réussir à gérer et manager ce format complexe", insiste-t-il.  Pour Rémi Le Druillenec, le foodcourt "c'est le parc d'attraction de la restauration. C'est du show, avec des cuisines ouvertes, et une thématique souvent très forte", insiste-t-il. Le nouvel appétit pour ce nouveau format serait donc grandissant. En particulier dans les zones commerciales où la part belle est donnée, de plus en plus, aux concepts de restauration. Pour autant, une certaine prudence est de mise. Notamment sur l'offre qui est proposée et sur la zone de chalandise visée. "Le foodcourt, tel qu'il existe aujourd'hui, il faut le faire évoluer, admet Emmanuel Jury. Cela n'a pas été pensé avec un vrai parcours client. Quand sur une même zone vous avez 5 ou 6 offres de burgers, ce n'est pas cohérent. Et il est vraiment important de dimensionner la proposition par rapport à population qui vient fréquenter la zone."

Vers plus de co-branding ?

Autre phénomène, encore balbutiant mais en proie à se démocratiser : le co-branding. L'idée ? Deux marques, de préférence complémentaires, s'associent dans un même magasin. Un modèle testé par les enseignes Nicolas, De Neuville et Comtesse du Barry. Il y a trois ans, ces trois réseaux s'étaient associés pour lancer un premier point de vente, à Vichy, sous l'identité "Savour Histoires de Gourmets". L'initiative, lancée avant la Covid-19, n'a pas été pérennisée. Mais le modèle devrait être exploré selon Emmanuel Jury. "Il faut simplement avoir une histoire à raconter. C'est un format qui doit être porté par des franchisés. Concrètement : un profil pluri-franchisé qui exploite dans la même cellule commerciale deux marques différentes, détaille le président de Progressium. Nous venons de le faire avec Spartoo et Deeluxe. Deux marques family store complémentaires : l'une évolue sur la chaussure, l'autre sur les jeans." 

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Les avantages seraient multiples. Cela permettrait notamment de mutualiser les coûts et les équipes ; d'optimiser la communication mais aussi d'afficher un certain dynamisme aux yeux des clients. "Quand nous avons proposé l'idée aux deux enseignes, elles ont tout de suite adhéré. Il suffit de trouver le bon partenaire, prêt à se lancer. Un premier affilié devrait tester ce modèle à Soissons sur une cellule de 300 mètres carrés." S'il y a clairement un intérêt financier à adopter ce type de modèle, des points de vigilance sont tout de même de mise. Pour convaincre les clients, il ne suffira pas de couper votre magasin en deux, avec deux offres distinctes. Il sera nécessaire de proposer une offre et un modèle différenciant. "Le client ne doit pas avoir l'impression que c'est une sorte de centre commercial qui ne porte pas son nom, cela ne fonctionnera pas. Il faut vraiment réfléchir à l'offre de service. Les deux marques doivent venir s'enrichir l'une et l'autre, pour créer l'étonnement auprès des clients", conclut Rémi Le Druillenec.

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