Devenir entrepreneur sans apport : est-ce vraiment possible ?

Camille Boulate
Devenir entrepreneur sans apport : est-ce vraiment possible ?

Se lancer dans l'entrepreneuriat coûte incontestablement de l'argent et nécessite un apport personnel minimal, dépendant du concept et du secteur d'activité visés. Si entreprendre sans aucun apport semble possible, cela peut être un pari assez risqué. Explications.

On n'entreprend pas sans argent ! Cette phrase, vous l'entendrez sûrement au cours de votre parcours d'entrepreneur. Pourtant, se lancer sans aucunes ressources financières est possible, même si cela n'est pas forcément recommandé. "Ce n'est pas une situation confortable d'entreprendre sans apport", insiste d'emblée Olga Romulus, expert-comptable au sein du cabinet Fiducial. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en tant que chef d'entreprise, vous aurez besoin de ressources financières pour bien démarrer. Olga Romulus ajoute :

Et on le sait, classiquement, il y a des éléments qui ne seront pas financés par les banquiers, comme le stock, les frais de loyer avant ouverture, etc.

D'où la nécessité d'avoir un petit pécule pour amorcer votre projet. Dans le cas où vos ressources sont limitées, votre profil devra clairement compenser. "En effet, si votre apport est restreint mais que vous avez des expériences entrepreneuriales à votre actif, cela peut passer aux yeux des banquiers. Mais clairement, un équilibre entre l'apport personnel, le profil de l'entrepreneur et le risque bancaire doit être trouvé", insiste Olga Romulus.

"Notre format comptoir est une solution temporaire"

Entreprise spécialisée dans la signalétique, Signarama déploie depuis dix ans un concept adapté aux profils ayant peu d'apport personnel. "Initialement, notre modèle se déploie sur des points de vente allant de 100 à 150 mètres carrés, nécessitant un investissement de 180 000 euros et un apport de 80 000 euros", détaille Sami Fossat, directeur commercial de Signarama. Son format "comptoir", permet de diviser par deux le besoin d'apport personnel. "Pour ce format, on recherche les mêmes surfaces de local mais nous n'achetons pas les machines pour la fabrication qui est sous traitée. De sorte, l'investissement est clairement diminué et s'élève à environ 80 000 euros", détaille Sami Fossat. Pour autant, cette solution adaptée aux budgets restreints n'est qu'une étape dans le parcours des franchisés. "Notre format comptoir est une solution temporaire. Si ne pas acheter les machines fait baisser l'investissement initial, les marges ne sont pas les mêmes", insiste Sami Fossat. En moyenne, le franchisé se lançant via ce format fait évoluer son concept dans les douze mois après l'ouverture. "Ce laps de temps lui permet de se créer une clientèle, de s'adapter à ce nouveau métier et de se créer une trésorerie pour financer les machines", décrypte Sami Fossat. Pour l'enseigne, proposer ce modèle alternatif permet de ne pas passer à côté de profils pertinents mais n'affichant pas les ressources nécessaires. "Notamment des personnes plutôt jeunes et en reconversion", insiste Sami Fossat. Et ce dernier conseille : "Quand vous avez déterminez votre apport, ne vous fixez pas de limites quant aux options et secteurs d'activités possible. Une grande partie de nos franchisés sont des personnes qui ne connaissaient pas le métier et n'y pensaient pas forcément quand ils ont amorcé leur projet. Le potentiel du marché, l'échange avec d'autres franchisés et les valeurs familiales de notre enseigne séduisent souvent les porteurs de projet."

Solutions alternatives

Pour vous aider à booster votre apport personnel, n'hésitez pas à passer au crible les différentes aides à la création d'entreprise. Prêt d'honneur, allocations Pôle Emploi, love money, prêts familiaux… de nombreux dispositifs existent et pourront compenser les faibles moyens financiers que vous avez au démarrage. "C'est un levier intéressant à ne pas négliger", assure Olga Romulus, avant de nuancer :

Cela ne constituera pas complètement vos besoins mais si vous décrochez 10 000 euros d'aides, le banquier considèrera cette somme comme un apport complémentaire.

Même chose pour le crowdfunding, qui pourra vous permettre de communiquer efficacement et de vous bâtir vos premiers clients. Si vos moyens sont limités, l'alternative peut être aussi de vous tourner vers des modèles entrepreneuriaux différents. Comme la franchise, dont certains concepts nécessitent peu d'apport personnel. Mais même dans le cadre d'une enseigne, votre apport restreint peut freiner vos velléités d'entrepreneuriat.

"Nous travaillons ardemment pour rendre nos modèles encore plus accessibles"

Le Groupe FBD, maison-mère des enseignes Ixina et Cuisine Plus, spécialisées dans les cuisines sur-mesure, entend adapter son concept pour permettre à des candidats n'affichant pas l'apport requis de se lancer. En effet, les concepts Ixina et Cuisine Plus évoluent sur des formats de magasins allant de 350 à 400 mètres carrés, nécessitant de fait un investissement global important (entre 400 000 et 450 000 euros). "Les banquiers vont donc attendre un apport personnel de l'ordre de 25 %, soit environ 100 000 euros", souligne Benjamin Bohbot, directeur du développement du Groupe FBD. Parmi les candidats visés, le groupe FBD mise en partie sur des profils issus du secteur de la cuisine. "Leur expertise métier couplée à leur envie d'entreprendre facilite le succès de ces profils", affirme Benjamin Bohbot. Pour accompagner ces candidats qui n'ont pas forcément les ressources financières pour entreprendre, le Groupe FBD a mis en place une bourse aux talents. "Ce dispositif vient doubler leur capacité d'apport financier. Ainsi, pour simplifier, un candidat qui n'aurait que 50 000 euros d'apport à investir dans son projet, on va lui prêter, de manière durable, 50 000 euros complémentaires, lui permettant ainsi de rassembler l'apport minimal nécessaire pour monter un projet Ixina ou Cuisine Plus", détaille Benjamin Bohbot. Pour le directeur du développement, il est important de pouvoir accompagner les porteurs de projet vers des modèles plus accessibles mais rentables. "C'est en effet un réel sujet pour nous. Nous travaillons ardemment pour rendre nos modèles plus accessibles tout en garantissant une rentabilisé importante à nos franchisés. Aujourd'hui, la rentabilité avant rémunération du franchisé est d'environ 10 %. Pour des magasins qui réalisent entre 1,5 et 3 millions d'euros de chiffre d'affaires, c'est un modèle plutôt satisfaisant", conclut Benjamin Bohbot.

 

Location gérance et franchise participative

Sachez que certains réseaux proposent en effet des concepts adaptés ou des contrats alternatifs pour vous mettre le pied à l'étrier. Des concepts de services ou alors ne nécessitant peu d'investissement peut être à votre portée. Certains réseaux proposent également des contrats de location gérance, permettant aux profils ayant peu d'apport de se lancer. "C'est une bonne piste, de plus en plus proposée par les réseaux. Mais attention, la location gérance doit être une solution temporaire", alerte Olga Romulus. En effet, le principe de contrat est simple : vous n'êtes pas propriétaire du fonds de commerce mais c'est vous qui gérer l'activité, en tant qu'entrepreneur indépendant. Olga Romulus décrypte :

Le fonds doit donc être suffisamment rentable pour vous permettre de capitaliser dessus et de le racheter à terme.

Et l'expert-comptable souligne : "Les conditions de rachat doivent être abordées et prévues dès le départ du contrat de sorte à donner une visibilité sur la reprise effective." Certains réseaux misent aussi sur le modèle de franchise participative. Un moyen pour les porteurs de projet de se faire accompagner par le franchiseur et donc de faciliter la mise en œuvre de leur projet. "Là encore, cela doit être une solution temporaire. Selon moi, le franchiseur doit rester minoritaire et ne doit pas être partie prenante des décisions de gestion ou stratégiques", conseille Olga Romulus. Au-delà des moyens financiers que vous pouvez mobiliser, il est surtout important de bien ficeler votre projet et de construire un dossier de financement solide. Aussi, ayez confiance en votre projet et assumez vos orientations stratégiques. "Parfois, les porteurs de projets se placent en position d'infériorité. Or, votre dossier de financement doit permettre au banquier de se projeter. Faites donc preuve d'ambition et donnez de la visibilité", conseille Olga Romulus, avant de conclure : "Un entrepreneur doit savoir transmettre sa passion et embarquer le banquier avec lui."

Recevez vos newsletters gratuitement

Nous vous recommandons

4 conseils pour bien réussir l'ouverture de son magasin

4 conseils pour bien réussir l'ouverture de son magasin

Futur entrepreneur et commerçant, il y a des étapes clés à ne pas négliger pour réussir l'ouverture de votre magasin. Comme dans tout projet entrepreneurial, il est important de faire preuve d'anticipation et de rigueur pour maximiser...

28/09/2023 | Commerce
Commerces de proximité : comment amplifier sa communication locale avec les datas

Commerces de proximité : comment amplifier sa communication locale avec les datas

Coupe du monde de rugby, Jeux Olympiques… faut-il surfer sur ces événements pour communiquer ?

Coupe du monde de rugby, Jeux Olympiques… faut-il surfer sur ces événements pour communiquer ?

C'est la rentrée ! Et si c'était le bon moment pour entreprendre ?

C'est la rentrée ! Et si c'était le bon moment pour entreprendre ?

Plus d'articles