Après un été en demi-teinte, le commerce spécialisé fait face à de nouveaux enjeux liés à l'inflation et à l'augmentation des coûts de l'énergie. Emmanuel Le Roch, délégué général de la fédération Procos, revient sur les principaux défis qui attendent les acteurs de ce secteur. Et livre quelques conseils aux futurs entrepreneurs.
Comment se porte le commerce spécialisé ? Quel bilan de la période estivale et de la rentrée faites-vous ?
Si on doit résumer l'été : juillet a été mauvais et le mois d'août s'est plutôt bien déroulé. Selon nos chiffres chez Procos, en juillet, l'activité en magasin a chuté de 6,3 % tandis qu'elle est repartie à la hausse (+4,3 %) en août. Si on regarde depuis le début de l'année, on constate encore un retard par rapport à 2019, période de référence et d'avant Covid-19. En effet, entre janvier et août 2022, l'activité en magasin est en baisse de 3,5 %. En revanche, les ventes ont été meilleures en septembre, avec une hausse de 7 % par rapport à la même période l'an passé. Septembre marque aussi la reprise des ventes sur le web (+4,7 %). De manière assez logique, on remarquait depuis janvier dernier une baisse des ventes sur le Web.
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Après deux années de crise sanitaire, les acteurs du commerce doivent faire face à de nouveaux défis. Inflation, hausse des prix de l'énergie… Quelle est votre analyse ?
Avec ce contexte en effet il y a beaucoup de paramètres incertains. Du côté de la demande, on ressent les conséquences directes de l'inflation, notamment sur les achats que l'on qualifie d'obligatoires (logement, alimentaire, énergie…). Le reste du budget disponible pour les consommateurs est donc en baisse. Et Procos représente avant tout des enseignes hors alimentaires, plus facilement concernées par les arbitrages des Français. À long terme, on sait qu'il n'est pas impossible que l'inflation et ces hausses tarifaires impactent aussi les CSP +, qui pour l'instant continuent de consommer, et on ne sait pas quels arbitrages seront faits. Le sujet fondamental, tant du côté des exploitants de commerces que des particuliers, reste la consommation d'énergie. Certains commerçants sont encore couverts sur leurs achats pour 2023, d'autres non. Donc il y a une vraie inquiétude, surtout quand on sait que l'énergie pèse 30 % de l'excédent brut d'exploitation (EBE) du commerce spécialisé. Tout ce contexte pose la question, pour les commerçants, d'augmenter les prix ou d'écraser les marges. Dans un cas comme dans l'autre, il y a un effet ciseau qui impacte clairement les plus fragiles.
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Au sein de la fédération, quelles sont vos demandes pour que les chefs d'entreprise soient accompagnés ?
On réclame notamment un étalement des PGE sur une plus longue durée. Non pas parce que les entrepreneurs qui les ont contractés ne peuvent pas les rembourser, mais tout simplement parce que ces montants viennent capter trop de capacité d'investissement. Une solution de blocage des prix de l'énergie doit être trouvée. C'est un sujet qu'il faut penser au long terme, car cette problématique ne va pas s'arrêter du jour au lendemain.
Aux vues du contexte, conseillez-vous aux futurs entrepreneurs de décaler leur projet ?
Il faut être vigilant, encore plus qu'il y a quelques mois. Pour se lancer, le projet doit être tout simplement finançable. Cela signifie que le business plan doit être plus confortable qu'à une époque. Ayez aussi en tête que les questions liées à l'énergie impactent à la hausse, dès le départ, les coûts d'exploitation. Donc la question à se poser constamment lors de votre parcours reste la suivante : comment je fais pour avoir suffisamment de marge de manœuvre dans mon business model si je ne fais pas le CA espéré au démarrage ? Plus qu'avant, les coûts d'exploitation doivent être cohérents avec le chiffre d'affaires envisagé mais aussi avec l'investissement global. Le niveau de risque a augmenté, il est donc important de rationnaliser votre projet et de ne pas vous emballer. Par exemple, si votre concept ou votre entreprise est viable sur 5 mètres carrés de moins, ne vous privez pas ! C'est une économie bienvenue en ces temps compliqués.