En 2022, les Français sont allés plus souvent au restaurant… et ont dépensé davantage !

Camille Boulate
En 2022, les Français sont allés plus souvent au restaurant… et ont dépensé davantage !

Le cabinet spécialisé Gira vient de publier son étude annuelle sur la consommation hors domicile. Après trois années difficiles liées à la crise sanitaire, les voyants semblent être au vert pour les acteurs de la restauration. Décryptage.

L'année 2022, "une année euphorique", qualifie d'emblée Bernard Boutboul, président et fondateur de Gira. Le cabinet spécialisé dans la restauration, vient de publier les résultats de sa traditionnelle étude annuelle. En 2022, les performances de la consommation hors domicile ont augmenté de 13,6 % par rapport à 2019, pour atteindre plus de 113 milliards d'euros de chiffre d'affaires. "Il y a eu une vraie volonté des consommateurs de rattraper les temps de consommation perdus pendant les confinements", analyse Bernard Boutboul, avant d'ajouter :

Malgré un début d'année 2022 compliqué, encore marqué par les obligations de port du masque et de télétravail, l'activité est vraiment très bonne.

Dans le détail, la restauration commerciale dans son ensemble reprend des couleurs. Le chiffre d'affaires des indépendants croît de 15 % tandis que celui des chaînes et enseignes nationales augmente de 22 %. "Les bars, à eux seuls, progressent de 35 % par rapport à 2019. On constate vraiment ce sentiment de rattrapage", insiste Bernard Boutboul. Côté livraison, ce mode de consommation pèse désormais 8 % du marché global de la restauration (vs 4 % en 2019). "Cela progresse lentement. Les frais de livraison se sont envolés, expliquant la difficulté à fidéliser un consommateur en questionnement sur son pouvoir d'achat. Les clients préfèrent pour l'instant le click and collect et la vente à emporter. Les Français aiment acheter ce qu'ils voient", insiste Bernard Boutboul.

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Des indicateurs positifs

Après de nombreuses crises successives (attentats, Gilets Jaunes, crise sanitaire, inflation), les voyants semblent de nouveau au vert pour le marché de la restauration. "Depuis la création de Gira il y a 35 ans, c'est la première fois que nous voyons trois indicateurs croître au même moment", insiste-t-il. En effet, outre le chiffre d'affaires en hausse, le temps passé en restaurant est en nette progression (+10 %) atteignant ainsi 36 minutes en moyenne. Aussi, l'étude constate que les Français consomment plus souvent hors de leur domicile (+ 8,3 % des repas) en dépensant davantage (hausse du ticket moyen de 4,8 %) par rapport à 2019. "Cela n'est pas uniquement due à l'inflation. Celle-ci n'ayant véritablement été impactée sur les cartes des restaurants qu'à partir de novembre. C'est donc que les Français consomment plus et plus souvent", explique Bernard Boutboul avant de se réjouir :

La restauration n'est pas encore un budget de manœuvre dans les dépenses des ménages.

Pour autant, la situation peut évoluer dans les prochains mois. L'étude Gira pointe que, face à l'inflation, 51 % des répondants déclarent avoir réduit leur budget "sortie au restaurant". Aussi, cette inquiétude liée au pouvoir d'achat marque le grand retour de la gamelle le midi. Gira estime ainsi que, désormais, 15 % des employés du secteur tertiaire, majoritairement des femmes, amènent leur gamelle plusieurs fois par semaine pour déjeuner au bureau. "La consommation hors domicile en France est considérée comme étant l'une des plus chères d'Europe", précise Bernard Boutboul. Malgré tout, le marché reprend des couleurs le midi en semaine et continue de performer le weekend. "Le samedi (midi et soir) explose. C'est une nouvelle fois cet effet rattrapage qui pousse les consommateurs à sortir", analyse Bernard Boutboul.

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Un début d'année 2023 mitigé

Malgré les signaux positifs et rassurants dans un contexte économique tendu, de nombreux défis attendent les acteurs du secteur pour 2023. Si l'activité a été positive sur des deux premiers mois de l'année (+ 35 % vs 2022 sur la période janvier/février), les performances constatées en mars et avril interrogent. "Le marché a subit une régression spectaculaire, de l'ordre de 15 % à 20 % comparé à l'année dernière. C'est assez étonnant et nous avons du mal à l'expliquer", insiste Bernard Boutboul avant de préciser :

La météo maussade, le ramadan qui a eu lieu plus tôt et les questions de pouvoir d'achats ont eu leur impact.

Des complications qui devraient s'intensifier selon le cabinet. Ce dernier s'attend ainsi à un taux de défaillances d'entreprises plus important dans les mois à venir alors que l'année 2022 a vu le nombre de restaurants créés en augmentation (+ 6,1 % en nombre d'unités). "Tenir un restaurant est devenu aujourd'hui quelque chose de très complexe et fait désormais appel à des compétences et savoir-faire que les restaurateurs n'ont pas toujours (marketing, management et gestion d'entreprise), 87 % d'entre eux étant des autodidactes. Nous nous dirigeons vers un taux de défaillances plus important dans les prochaines années, tout simplement parce que les banques et les investisseurs vont ralentir leur accompagnement financier", précise Bernard Boutboul.

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Recrutement et digital : principaux défis

L'un des enjeux du marché de la consommation hors domicile reste aussi la pénurie de main d'œuvre. Si le sujet n'est pas nouveau, il s'est intensifié avec la crise sanitaire, conduisant les restaurateurs à recruter autrement. "Face à la pénurie de personnel, les restaurateurs doivent apprendre à innover dans leur recrutement et proposer de nouveaux leviers pour rémunérer leurs équipes", assure Bernard Boutboul. Autre défi de taille : la poursuite de la digitalisation des points de vente. Côté client, le digital est bien intégré dans les usages en restauration rapide mais l'est beaucoup moins en restauration à table. "Dans le service à table, la digitalisation peine à s'installer. Le consommateur a besoin du contact humain, tant dans l'accueil que dans la prise de commandes", souligne Bernard Boutboul, avant d'ajouter :

On l'a constaté avec la carte. On pensait que le QR code allait s'installer durablement après la crise sanitaire, mais c'est loin d'être le cas. Les supports traditionnels sont plébiscités par les clients, quel que soit leur âge.

Enfin, cette nouvelle étude pointe que, si le marché est porteur et résilient, il est également très saturé. Pour Gira, si 2023 sera certainement synonyme d'une croissance à deux chiffres, la concurrence doit être prise en compte par les porteurs projet. "Il y a énormément d'acteurs, hors restaurants, qui proposent des produits de consommation hors domicile (boulangeries, stations-services, hypermarchés, etc.). Cela aura pour conséquence de réduire, à long terme, le chiffre d'affaires moyen réalisé par restaurant", conclut Bernard Boutboul. Autant d'aspects à avoir donc en tête si vous souhaitez vous lancer dans ce secteur.

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