Entrepreneurs, quelle méthodologie pour mobiliser votre réseau ?

François Simoneschi
Entrepreneurs, quelle méthodologie pour mobiliser votre réseau ?

Raccourci-clavier extraordinaire pour gagner du temps dans le développement de son affaire, le réseautage ne consiste pas à accumuler des contacts, mais à réfléchir sur sa stratégie et à se fixer un objectif : avec quelles personnes-clés interagir, à partir de quel pitch de présentation ? Pour quels enjeux (business, développement personnel…) ? Et comment construire ce réseau en fonction de mes besoins et de mes envies ?

Rompre sa solitude de chef d’entreprise, partager ses joies et ses peines professionnelles, se nourrir d’idées, bénéficier de l’expérience de ses pairs, découvrir d’autres modèles économiques… mais aussi passer un bon moment de convivialité, car il faut savoir décrocher de son travail. Voilà tout ce qu’offre le réseautage (ou networking), pratique aujourd’hui incontournable pour tout dirigeant qui n’est pas uniquement réservée à une élite. "Le réseautage n’est pas destiné qu’aux leaders nés. Il convient aussi aux personnes qui ne sont pas forcément à l’aise dans le collectif, parfois introverties, et qui trouveront à se libérer dans le cadre bienveillant des clubs d’entrepreneurs qui, bien défini, permet d’aller dans l’authenticité dans les échanges", souligne Marie Lanoë, chef d’entreprise depuis 12 ans (17 collaborateurs) et franchisée Temporis (réseau d’agences d’emploi) en Bretagne.

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L'entrepreneure cite notamment les clubs d'entreprise, comme le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) qui permet de prendre de la hauteur à travers le développement personnel et l'intelligence collective, de mieux gérer son temps et de travailler sa stratégie. "J’ai attendu de me sentir prête à consacrer le temps nécessaire au CJD, à partir de 2018. J’ai également réalisé de belles rencontres aux Partenaires du Rugby Club de Vannes, qui m’a offert des émotions fortes à travers le sport et un enjeu business très naturel, aux Dirigeants Commerciaux de France, correspondant plus à mon premier métier, ou au BNI, même si j’ai regretté une certaine rigidité dans le fonctionnement." Autant de clubs d'entrepreneurs qui ont permis à Marie Lanoë de rencontrer bon nombre de ses partenaires actuels. "Avocate, notaire, expert-comptable, community managermais aussi des fournisseurs !, liste-telle, avant de préciser :

Échanger régulièrement avec une personne donne à observer son fonctionnement et de constater que d’autres entreprises marchent bien avec elle.

Mobiliser son réseau et se fixer un objectif

Tout dirigeant est connecté, mais il doit savoir mobiliser son réseau. Ce qui ne consiste pas en accumuler des contacts, mais à réfléchir à sa stratégie et à se fixer un objectif : Avec quelles personnes-clés interagir ? Pour quels enjeux ? Et comment construire ce réseau ? "Nous disposons tous d’un réseau ! Il suffit de passer en revue toutes les vies de sa vie sans mettre de frontières entre les vies personnelle et professionnelle. Votre beau-frère ou votre copain du club de gym peut connaitre quelqu’un de précieux ou disposer d’une information utile pour votre entreprise", rappelle Alain Bosetti, co-fondateur d’événements (également virtuels) dans l’entrepreneuriat et co-auteur, avec Mark Lahore, d’un livre très complet, "Je réussis grâce à mon réseau" (éditions Dunod). Et ce dernier ajoute : "On estime qu’à un instant T, chacun de nous interagit avec 300 à 500 personnes, avec des liens faibles ou forts, et que selon la célèbre théorie de Stanley Milgram, il n’existe, au plus, que 6 degrés de séparation entre deux personnes dans le monde. Un chiffre tombé à 4,7 avec les réseaux sociaux. Je prône un networking éthique et sans manipulation : si on est curieux et sain, la relation se crée simplement".

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Une règle d’or demeure cependant et doit être respecter en matière de réseautage : donner sans attendre de recevoir. "Donner, c’est partager une découverte, une idée, une info. Par exemple, envoyer à un client la photo d’un concept nouveau découvert à l’étranger. C’est très rapide et peut inspirer. C’est aussi connecter entre eux des membres de son réseau. Ces pratiques enclenchent naturellement des dynamiques positives, pour recevoir, à votre tour, des idées, des infos…Vous devenez alors un 'hub': on vous interroge sur un sujet parce que 'vous devez savoir', parce que vous disposez d’une réponse ou d’un contact permettant d’aller plus loin, reprend Alain Bosetti, avant de préciser :

Le réseau est un 'raccourci-clavier' : il fait gagner un temps fou.

Ne pas montrer une personnalité différente

Si l’on a souvent pensé qu’Internet allait faciliter les relations avec les partenaires, comme à partir du milieu des années 90, on s’est rendu compte, en raison de la Covid-19, que l’humain avait plus que jamais besoin de relations en direct, physiques. "Chaque chef d’entreprise a besoin de respirer tout en travaillant dans sa vie professionnelle, dentretenir une relation humaine, agréable et rentable, avec des professionnels possédant des points communs avec soi, des sujets de conversation naturels et évidents, précise Yves Sassi, fondateur du Club de la Franchise. Le réseautage offre une manière d’échanger moins fondée sur le commercial, finalement moins artificielle et moins codifiée qu’une démarche de prospection, document Powerpoint à l’appui. Il suffit aujourd’hui de réfléchir à ses besoins de dirigeant pour trouver le club d’entreprises adéquat." Et pour l'expert, le networking doit être abordé de manière soft, pour créer des relations dans la durée, pour aller chercher un prospect ou un client en bénéficiant dune certaine proximité. "Il demeure toutefois important de respecter ses propres règles, de garder son statut. Il ne faut pas montrer une personnalité différente de celle adoptée dans son métier, pour tenir la promesse du service dans sa prestation potentielle. Je peux, par exemple, gentiment m’emporter sur un sujet qui me tient à cœur si je sens que le moment est opportun, affirme Yves Sassi, avant d'ajouter :

Dans le réseautage, il faut réfléchir à l’identité donnée à son entreprise, à travers une différenciation, pour que son interlocuteur comprenne en quelques phrases ce que l’on peut lui apporter. Sans insister, ni enquiquiner, car cela peut devenir rédhibitoire.

Une mind map, pour représenter graphiquement son réseau

Ainsi, pour cultiver sa différence dans un réseau, il faut connaître son SWOT (forces/faiblesses, opportunités/menaces), et en déduire son positionnement, savoir pourquoi on vous apprécie avec un minimum de lucidité, pour trouver une formule qui ne définit que soi. Ensuite, vous devez cartographier votre réseau et le superposer avec vos objectifs professionnels, pour devenir "créateur de relations fertiles". Tout en sachant se garder du temps pour le hasard, la sérendipité. "Il s’agit alors de distinguer le noyau dur ou cercle rapproché - familles, amis, alliés/proches indéfectibles -, les liens forts - avec qui nous interagissons en permanence ou très régulièrement -, les liens faibles - avec qui nous entretenons des relations en pointillés et espacées dans le temps -, et enfin, le réseau 'caché' ou les contacts de nos contacts", insiste Alain Bosetti.

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Et ce dernier suggère d'ailleurs de représenter graphiquement ce réseau, par exemple sur une mind map, en précisant l’univers de chaque personne, et en notant les personnes qui viennent spontanément à l’esprit, par rapport à des problématiques identifiées. "C’est rarement un lien fort qui nous met en relation avec une personne clé. En effet, nos proches, s’ils ont une opportunité à nous proposer, ils nous la communiquent spontanément. L’efficacité dans le réseautage vient plutôt par les liens faibles", assure-t-il, avant d'ajouter :

Aujourd’hui, participer aux événements est devenu hyper important, surtout pour ceux qui se sont éloignés des métropoles. Les écosystèmes professionnels se retrouvent, et en un minimum de temps, vous rencontrez ou renouez avec beaucoup de personnes d’une même communauté.

Pendant ces événements (salons, dîner, déjeuners…) mais aussi à chaque interaction, il existe alors une grille de lecture intuitive, spontanée de vos interlocuteurs, que, schématiquement, vous pouvez classer dans 3 catégories selon l'expert : les ampoules, les batteries… et les boulets."Les 'ampoules' sont des personnes éclairantes qui vous font sentir plus intelligents après un échange avec eux. Nous quittons les 'batteries', en ayant la pêche ou de l’envie. Tout est toujours dur et tout va mal pour les 'boulets'. Nous possédons tous le potentiel d’être les trois types. Évidemment, il est préférable de rester à l’esprit des gens en tant que batterie ou ampoule, précise Alain Bosetti., avant d'ajouter :

Savoir 'sortir de soi', s’observer et se demander si l’on est dans la bonne dynamique avec la personne en face de soi me semble être une pratique vertueuse en matière de réseautage.

Pour gagner en aisance relationnelle lors d’un événement, à l’instar d’un sportif, il faut s’entraîner régulièrement. Notamment à sortir de sa zone de confort quand il n’y a pas d’enjeu, puis l’étendre progressivement, jusqu’au jour où l’on se trouve avec une personne-clé à côté de soi, en sachant être clair sur son pitch et oser dire que vous avez un projet qui pourrait l’intéresser.

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L’initiative du réseautage doit faire sens

Reste, pour se lancer dans le réseautage ou intensifier cette démarche, à bien identifier son besoin et ses envies. Il existe forcément un réseau qui correspond bien à vos attentes de futurs dirigeant, qu’il soit en début d’activité ou mature, et à ses nécessités du moment : stratégie, transmission de l’entreprise, business, responsabilité sociale ou sociétale, expertise métier... Le Centre des Jeunes Dirigeants met par exemple à disposition de ses adhérents de nombreux outils, comme les commissions, les plénières ou encore des formations en Forum, techniques ou sur le développement personnel. "Ces formations m’ont permis de faire monter en compétence mes équipes, comme sur le management pour mes commerciaux, ou la connaissance de soi et des autres, ou encore la communication non violente, détaille Marie Lanoë, avant de préciser :

Elles m’ont aussi aidé à embaucher des profils plus hétérogènes, d’avoir la légitimité pour engager des cadres, alors qu’auparavant, je recrutais des juniors.

Mais le réseautage, au sens large, doit faire sens au dirigeant. Expérimentez divers clubs en étant invité, et tenez vos engagements vis-à-vis des autres chefs d’entreprise. "C’est essentiel de participer au dynamisme de son territoire, d’être un acteur de l’économie locale, par exemple à travers des interventions dans les écoles pour préparer les élèves au monde du travail. Le réseautage, c’est créer des ponts entre les personnes, affirme Marie Lanoë, avant de prévenir :

Il faut toutefois veiller à 'l’entre-soi', à force de ne rencontrer que des dirigeants. C’est pourquoi je me suis engagée dans le milieu associatif ou auprès des collectivités, pour garder le lien avec d’autres sphères que les entreprises privées.

Le club d’entreprise peut également s’être construit en lien avec un besoin identifié. C'est le cas du Club de la Franchise qui permet, selon son fondateur, de rencontrer des professionnels du secteur et des sociétés digitales qui ont imaginé des solutions, notamment utiles pour des réseaux. "Certains networking sont très organisés, avec des objectifs de rentabilité affichés, comme le BNI, ou parfois 'haut de gamme' en termes dinterventions, avec un coût élevé comme lAPM, estime Yves Sassi. Une de nos forces au Club de la Franchise est de commencer par prendre un café, durant une longue demi-heure, pour que les participants puissent bavarder, échanger. Puis, dans une transition douce, ceux-ci se rendent dans une salle où la thématique du jour est développée. Il est fondamental de préserver ce côté informel de la réunion, pour ne pas étouffer la spontanéité entre les gens."

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Résurgence de clubs d’entreprise

Le networking est devenu si fondamental pour la vitalité d’un territoire, que même les mairies facilitent son implantation. À Suresnes, ville de l’Ouest parisien de 50 000 habitants, les clubs d’entrepreneurs avaient disparu. "Leur existence et leur développement tiennent souvent à l’investissement de quelques personnes. Il fallait en faciliter la résurgence", insiste Patrick Puissant, chargé des relations emploi avec les entreprises à la Mairie de Suresnes. Deux clubs sont ainsi nés : "SUP Entrepreneurs", créé à l’initiative de deux entrepreneurs suresnoises, et le "Suresnes Business Club", pure volonté de la mairie. "Ce sont aussi, pour nous, des outils de découverte de l’écosystème local. À travers ces entrepreneurs ambassadeurs de notre territoire, le but est de rendre Suresnes toujours plus attractive, d’autant plus qu’elle est située à proximité du pôle économique de La Défense", explique Patrick Puissant.

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Si la Mairie n’est pas présente dans le conseil d’administration de ces clubs, disposant d’un statut associatif, elle les accompagne en mettant à disposition des locaux pour des réunions et des conférences, en favorisant leur activité à travers les services communaux, et en relayant leur communication sur les réseaux sociaux et notre magazine. Patrick Puissant affirme ainsi :

Les 600 entreprises de la ville de Suresnes participent à son dynamisme, à travers l’emploi localement offert et leur contribution aux commerces, comme ceux de la restauration.

Et ce dernier conclut alors : "Il faut davantage connecter le monde de l’entreprise et celui des institutions. Par exemple, en faisant mieux connaître l’insertion des personnes en situation de handicap aux chefs d’entreprise ou en donnant de la visibilité à leurs réflexions, leurs idées, leurs initiatives, au bénéfice de tous les concitoyens." 

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