Face aux nouvelles préoccupations des consommateurs, les entrepreneurs doivent adapter leur business model. Approvisionnements, offres proposées, management des équipes… Toutes les questions liées à la RSE sont désormais passées au crible. Explications avec Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem, spécialisé dans le décryptage des modes de consommation.
Pourquoi la RSE – responsabilité sociale et environnementale – devient si importante dans la façon de consommer ?
Nous l'avons étudié dans plusieurs études au sein de l'Observatoire Cetelem. Ce que l'on constate désormais est simple. Les marques font face à des consommateurs activistes. Une tendance qui s'accélère avec le temps. Les attentes vis-à-vis de la RSE sont de plus en plus fortes et deviennent des exigences. La chose assez nouvelle reste que désormais les consommateurs ne vont pas uniquement s'occuper de leur propre manière de consommer mais vont aussi s'intéresser et se mêler de celle des autres.
Lire aussi :
| Louis Frack : "Entreprendre jeune ? Un avantage concurrentiel !"
Les entrepreneurs et les marques parviennent-ils à s'adapter à cette nouvelle tendance ?
Ce n'est pas simple, il faut bien l'avouer. À une période, les entrepreneurs avaient tendance à faire du greenwashing. C'est-à-dire qu'ils disaient se saisir de ces sujets liés à l'environnement mais sans amorcer de réels changements par la suite. Je pense que c'est moins le cas aujourd'hui. Cette manière de faire est extrêmement dangereuse car les consommateurs sont très vigilants aux actes et pas uniquement aux paroles. Une entreprise qui va afficher un discours et prendre des positions doit être capables de prouver qu'elle change de pratiques. L'autre question qui se pose avec ces nouvelles attentes reste le coût que cela implique. Une entreprise ou une marque qui s'engage dans la RSE est certes plus vertueuse et responsable mais devra faire face à des coûts supplémentaires. La tentation sera donc de proposer des prix finaux plus chers. Là encore, c'est risqué, surtout en ces temps de questionnement sur le pouvoir d'achat, puisque des prix élevés peuvent freiner la consommation.
Lire aussi :
| Emmanuel Le Roch : "Dans le contexte actuel, rationnalisez votre projet !"
Selon vous, les questions liées à la RSE doivent-elles être obligatoirement prises en compte par les futurs porteurs de projet ?
Aujourd'hui, quand on devient entrepreneur, il est impossible de ne pas se préoccuper des questions environnementales. Il est obligatoire de s'interroger sur son impact carbone, sur les canaux d'approvisionnement, de ventes, etc. Les clients ne supporteront plus qu'un produit ne soit pas responsable. Ce sont des choses qui ne paraissent pas encore naturelles à prendre en compte quand on élabore son business plan mais qui sont pourtant fondamentales. Alors, encore une fois, cela dépendra de votre domaine d'activité. Mais très clairement, ce sont des aspects à prendre en considérations quand on crée son entreprise. Le consommateur a besoin d'y voir clair quand il consomme. La transparence tant sur le plan sociétal, social et environnement est donc essentielle.
Lire aussi :
| Justine Hutteau : "L'entrepreneuriat, c'est un grand huit émotionnel"
La RSE, ce n'est pas que l'environnement mais également toutes les questions sociales et sociétales. Est-ce que l'une de ces préoccupations prend le pas sur les autres ?
Tout est important aux yeux des consommateurs qui veulent connaître les conditions sanitaires et sociales dans lesquelles ont été conçus les produits. La dimension environnementale, compte tenu des changements climatiques auxquels on fait face, est pour autant primordiale. Et une entreprise qui ne s'engage pas durablement sur ce chemin risque vraiment d'être en difficultés et de perdre des parts de marché.
Est-ce une tendance qui sera pérenne selon vous ?
Les différentes crises environnementales et sanitaires accélèrent clairement les attentes en matière de RSE. Donc oui, toutes ces questions continueront d'être essentielles pour les consommateurs. Notamment auprès des plus jeunes qui sont très sensibles à ces sujets-là. C'est donc un phénomène culturel qui se poursuivra mais qui risque d'être freiné par des événements conjoncturels. Comme ceux que nous vivons actuellement, mettant le pouvoir d'achat au cœur des préoccupations. Si la baisse du pouvoir d'achat empêche de consommer plus responsable, cela mettra un frein à cette tendance, sans pour autant la remettre en cause.
Lire aussi :
| Entreprendre en temps de crise : faut-il vraiment se lancer ?
Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs pour réussir à prendre efficacement en compte toutes ces questions ?
Le premier est très simple : ne mentez pas ! Désormais, les consommateurs n'acceptent plus qu'on enjolive la vérité. Il faut donc être sûr de ce que l'on dit et de ce que l'on prône. Ne soyez pas non plus trop ambitieux. Il est impossible de passer de tout à rien du jour au lendemain. Il est préférable d'annoncer des petites actions et de mettre en place des choses concrètes au fur et à mesure. La révolution en un soir n'est clairement pas possible. Clairement, il vaut mieux prendre le temps et pouvoir prouver que vous êtes investi réellement dans ces sujets, plutôt que de vous lancer sur des chantiers immenses qui seront, in fine, irréalisables.