© Nicolas Rohr et Frédéric Mugnier, fondateurs de Faguo.
Après leurs études, Frédéric Mugnier et Nicolas Rohr fondent Faguo. Leur idée ? Élaborer une basket respectueuse de l'environnement. Avec leur philosophie, les deux associés ont su convaincre consommateurs et investisseurs. Retour sur le parcours de ces deux entrepreneurs précurseurs.
C'est sur les bancs de l'école de commerce que Frédéric Mugnier et Nicolas Rohr se rencontrent. Avant de devenir associés, les deux camarades sont devenus amis. Puis, ensemble, ils décident de se lancer dans l'entrepreneuriat en créant Faguo en 2009. À l'époque, ils ont seulement 22 ans. "Avant de créer notre entreprise, on a noué une relation amicale et nous avons vécu des choses ensemble, tant des joies que des difficultés", confie Frédéric Mugnier. Et ce dernier ajoute :
Cette phase préalable est importante pour la vie de l'entreprise, car l'association c'est avant tout une histoire de confiance.
Passionnés de mode, les deux amis souhaitent lancer leur propre marque de baskets. Mais conscients de l'impact du marché sur le climat, ils avaient à cœur que leur entreprise soit la plus responsable possible. "On avait cette innocence qui nous faisait dire que c'était facile et surtout possible", admet Frédéric Mugnier. Les deux associés élaborent, dès le départ, un bilan carbone afin de jauger l'impact environnemental de leur projet. "Ce bilan nous met une claque. Il nous dit d'emblée 'vous allez polluer'. Notre objectif a été trouvé un moyen de réduire le plus possible cet impact", insiste l'entrepreneur.
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Rester accessible
Les deux entrepreneurs étudient les solutions possibles avec un seul leitmotiv en tête : rester accessible pour leurs futurs consommateurs. "On constatait que les baskets coûtaient trop cher. Nous voulions un produit propre qui ne soit pas inaccessible en termes de prix. La protection de l'environnement ne doit pas être réservé aux plus riches", estime Frédéric Mugnier. Ils font le tour des usines pour expliquer leur démarche et étudier les différentes pistes. Parmi elles figurent l'utilisation de matières recyclées pour élaborer leur collection. Mais aux prémices des années 2010, la tendance est loin d'être émergente "Les fournisseurs ne voulaient pas nous écouter. À l’époque, il n'y avait que 5 % de fibres recyclées dans le coton. Aujourd'hui, on monte à 56 %. Plus il y a d'acteurs orientés dans cette voie, plus cela pousse la filière à faire s'améliorer, et c'est tant mieux !", insiste Frédéric Mugnier. Pour compenser ses émissions de CO2, Faguo trouve une solution alternative. Pour chaque pièce confectionnée, un arbre est replanté en France. Le co-fondateur assure :
Une chaussure sans impact sur la planète, cela n'existe pas. Alors on a trouvé ce message très concret pour le consommateur, qui parle plus que des chiffres.
Et ça fonctionne. Depuis 2009, date du lancement de Faguo, plus de 3 millions d'arbres ont été plantés. Aujourd'hui, chaque produit confectionné émet 50 % de CO2 de moins qu'il y a 10 ans, assure l'enseigne. Dès la première année, le succès est au rendez-vous et la marque réalise 350 000 euros de chiffre d'affaires. En 2023, elle entend atteindre les 28 millions d'euros de chiffre d'affaires. "Notre ambition, à trois ans, est de passer le cap des 40 millions d'euros", assure Frédéric Mugnier.
Changement d'actionnaire
Une bonne santé qui attire les investisseurs. En 2012, le groupe familial Eram, maison-mère des enseignes Bocage, Mellow Yellow, Eram, TBS ou encore Gémo, entre au capital en prenant 29 % des parts, avant de renforcer sa participation à 49 % quatre ans plus tard. "C'est toujours un débat pour un entrepreneur d'ouvrir ou non son capital. À mon sens, c'était essentiel. Un entrepreneur a besoin d'être accompagné. Vous ne pouvez pas avoir une vision à 5 ou 10 ans pour votre entreprise en ayant la tête dans le guidon", assure Frédéric Mugnier, avant d'ajouter :
Un investisseur vous permet de gagner du temps et de donner une dynamique. Le groupe Eram, plus qu'un investisseur, fut un vrai mentor pour nous.
Un mariage qui s'est terminé il y a quelques semaines. Faguo a en effet annoncé vouloir reprendre plus de liberté sur sa gestion d'entreprise et a annoncé accueillir deux nouveaux actionnaires – Nexstage AM et Sodero. "Nous sommes heureux d'avoir permis à la mission de Faguo de grandir si vite avec le soutien du groupe Eram, qui détient des savoir-faire clés du métier ! Dans un esprit de continuité, aux côtés de ces deux nouveaux actionnaires, nous allons faire gagner la 'fair fashion' en engageant toute notre génération contre le dérèglement climatique", insistaient les fondateurs au moment de l'annonce du retrait de leur actionnaire historique. Cette nouvelle orientation stratégique s'accompagne d'une levée de fonds de 15 millions d'euros, permettant notamment l'intéressement de l'ensemble des 110 salariés de l'entreprise.
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Reconnaître ses erreurs
Un investissement qui devrait également permettre à l'entreprise d'étoffer son offre mais également son maillage territorial. Car Faguo ne se cantonne plus uniquement aux chaussures mais propose désormais une large gamme de vêtements et de sacs à dos. "Notre volonté, dès le départ, fut de réinvestir ce que l'on gagnait pour couvrir l'ensemble du vestiaire masculin. Car on sait que les enjeux climatiques ne concernent pas uniquement les chaussures. Puis, en tant qu'entrepreneur, on a toujours envie de nouveauté", insiste Frédéric Mugnier. Une diversification qui passe aussi par de nouveaux canaux de distribution. Historiquement, Faguo commercialisait ses produits via son site Internet et un réseau de revendeurs multimarques. Depuis 2015, la marque mise également sur son propre réseau de magasins. "Nous avons une quarantaine de points de vente, tout format confondu (corners, boutiques en affiliation et succursales)", souligne Frédéric Mugnier. Et ce dernier insiste :
Nous avons une dizaine d'affiliés à date et souhaitons parvenir à un réseau d'environ 70 boutique, avec un équilibre entre succursales et points de vente en affiliation.
Et le chef d'entreprise assure : que cela soit dans l'offre ou dans le choix des emplacements, ils ont commis des erreurs. "Comme sur notre offre enfant. Nous pensions qu'il suffisait de l'élaborer comme une simple déclinaison des produits adultes. En réalité, les choses sont plus complexes : les chaussures s'usent plus rapidement et les marges sont plus faibles. Plein de facteurs ont fait que cela n'a pas fonctionné", analyse Frédéric Mugnier, avant d'assurer :
Ce n'est pas grave de commettre des erreurs. Le tout est de s'en rendre compte et d'y mettre fin rapidement. C'est aussi ça l'agilité de l'entrepreneur.
Partager et se faire accompagner
Et aux futurs entrepreneurs, le co-fondateur de Faguo l'assure : il ne faut pas avoir peur de se lancer, en particulier si vous êtes jeunes. "Avant 30 ans, vous n'êtes pas en risque. Et ce n'est pas qu'une question d'argent, car après 30 ans vous n'aurez pas forcément plus de moyens. Ne soyez pas frileux : si vous avez la bonne idée vous trouverez forcément comment concrétiser votre projet !", confie Frédéric Mugnier. Et cela même si la période économique n'est pas propice. L'entrepreneur l'assure : "On aime rappeler que, lors du lancement de Faguo, c'était déjà la crise. On a l'impression que chaque année il y a la crise. Finalement, on apprend à vivre avec." Et il précise :
On a la chance d'être sur un secteur d'activité assez important et sur lequel il y a une progression. Même si le marché semble compliqué et le contexte, nous sommes confiants sur l'avenir.
Pour Frédéric Mugnier, il est important que les futurs porteurs de projet parlent de leur idée de business autour d'eux et se fassent accompagner. "L'entrepreneur doit être entouré, picorer les avis des uns et des autres… Ayez un ou plusieurs mentors pour vous suivre sur la durée et vérifier que vous ne tombez pas dans des travers", conseille-t-il avant de conclure : "Il y aura toujours des détracteurs, il faut les écouter car ça pourra vous apporter. Mais gardez votre innocence : c'est un vrai facteur de réussite de croire en son projet !"