Les Français semblent toujours aussi friands de se rendre en magasin physique pour effectuer leurs achats de vêtements et autres accessoires. Mais ils veulent davantage adopter une consommation responsable. Décryptage.
Comment consomment les Français quand ils souhaitent changer leur garde-robe ? C'est l'objet d'une récente étude réalisée par Opinion Way, pour La Retail Tech, structure dédiée à l'innovation dans le retail et regroupant les principaux acteurs du secteur. Et la réponse semble claire : malgré la crise sanitaire et l'importance indéniable du digital, les Français préfèrent se rendre en magasin. Ainsi, 83 % des Français effectuent leurs achats en magasin contre 55 % en ligne. Ils préfèrent les magasins spécialisés (43 %) mais aussi les magasins de sport (25 %). Néanmoins, malgré ces bons indicateurs déclaratifs, dans les faits, les volumes de ventes sont en baisse dans les magasins. Mike Hadjadj, fondateur de La Retail Tech, explique :
Les ventes dans les commerces ont baissé de 7% et le nombre de magasins a diminué de 12 % en 2022. Ce qui conduit à une baisse de 11 % dans le chiffre d’affaires.
Et l'expert ajoute : "Sur internet, on constate une stabilisation des ventes depuis l'été 2021 mais qui, en proportion, continuent de croître." Un constat global que la fédération Procos vient de dresser dans sa dernière note conjoncturelle concernant le mois d'avril. En effet, si le marché de l'habillement a légèrement progressé le mois dernier (+0,8 % vs avril 2022), le nombre de produits vendus en magasins se contracte.
Lire aussi :
| À quoi ressembleront les centres commerciaux en 2030 ?
Des habitudes d'achats en mutation
En effet, les Français changent leurs habitudes d’achats. Sans surprise, l’inflation en est la cause principale. Mike Hadjadj l’indique :
Les prix de vente augmentent tout comme les prix des matières premières. Ces trois dernières années, les coûts des enseignes ont augmenté très fortement avec une hausse de 45 % pour le transport et de 28 % pour le coton. Le budget moyen des Français baisse de 8,5% passant de 850 euros à 784 euros.
Pour lutter contre l’inflation, 63 % des répondants à l'étude confient acheter moins d’articles de mode. D’autres préfèrent donner et vendre les produits dont ils n’ont plus l’usage (respectivement 59 % et 43 %). De plus, 73 % des Français sont prêts à se tourner vers une mode plus éthique et responsable. Les Français sont également prêts à boycotter les marques qui ne respectent pas les conditions de travail des employés (68 %) et l’environnement (64 %). Le digital est aussi un aspect que les Français ont intégré dans leurs achats. Pour eux, hors de question de se rendre en magasin avant de consulter le site Internet de la marque visée. Mais ils le font pour diverses raisons. 28 % des répondants consultent le stock des produits disponibles, 23 % souhaitent pré-réserver des articles en ligne pour pouvoir les essayer en magasin et 15 % veulent connaître la composition des produits.
Lire aussi :
| Consommation : les achats responsables séduisent de plus en plus les Français
Mode circulaire et fast fashion : le paradoxe Français
S’habiller de façon plus responsable semble être l'un des leitmotivs des consommateurs. Les Français se tournent en effet de plus en plus vers des produits durables (marques ayant réduits leurs émissions de CO2, leur consommation d’eau, ayant diminué leur quantité de déchets générés). D’après la Fédération de la mode circulaire, ce marché est estimé à 5,7 milliards d’euros en 2022. Il pourrait continuer son évolution jusqu’à 14,2 milliards en 2030 avec une croissance annuelle de 12 %. Réemploi, réparation, upcycling… plusieurs modèles circulaires existent et séduisent les consommateurs. Cependant, la concurrence est rude et vient chahuter les convictions des consommateurs. Car si la mode circulaire attire les Français, la fast fashion séduit tout autant. Si les jeunes souhaitent consommer de façon responsable, ils continuent d’effectuer de nombreux achats dans les magasins de fast fashion tels que H&M, Zara ou encore Primark. Plus récemment, l'engouement des Français pour la marque Shein, dont la boutique éphémère a ouvert ses portes à Paris et a attiré, le temps d'un weekend, des milliers de consommateurs, témoigne clairement de ce paradoxe de consommation. La jeune génération reste portée par des convictions écoresponsables mais qui continue de se tourner vers des marques accessibles et encore trop peu impliquées dans les questions environnementales et/ou sociétales.
Lire aussi :
| Flavien Neuvy : "En tant qu'entrepreneur, impossible de ne pas se préoccuper des questions environnementales !"
S'adapter pour séduire
Résultats, les marques s'adaptent en communicant davantage sur le réemploi et le recyclage de leurs produits. Décriée, Shein vient d'annoncer son intention "de devenir leader de la récupération des invendus de l'industrie de la mode". Dans un communiqué, la marque chinoise, attaquée de toutes parts (utilisation de produits chimiques dans la conception de ses produits, accusation d'exploitation des populations Ouïghours…) entend améliorer son image grâce à un partenariat avec Queen of Raw, entreprise technologique spécialisée dans l'économie circulaire. Dans un communiqué, la marque insiste :
À travers ce partenariat, Shein s'appuiera sur le logiciel scientifique pour identifier puis utiliser des tissus excédentaires auprès d'autres marques et détaillants, ceci afin d'atténuer la crise des déchets dans le secteur de la mode.
Selon ses estimations, Shein devrait être en mesure de récupérer un million de mètres de tissus. Un partenariat qui s'inscrit dans une feuille de route globale dédiée à l'environnement. "Cette stratégie qui repose sur trois piliers clés – autonomisation équitable, résilience collective et innovation sans déchets – guide l'entreprise dans son parcours de durabilité en abordant les défis sociaux et environnementaux les plus critiques auxquels l'industrie de la mode est confrontée aujourd'hui", affirme Shein. Avec ses 6 000 nouveaux articles commercialisés tous les jours sur son site Internet, la marque est autant adulée que détestée et ce tournant stratégique s'avère impératif pour la marque chinoise. De quoi attirer l’attention des jeunes écoresponsables ? L'avenir le dira.