Pâtissier de formation, Jean-François Feuillette s'oriente naturellement vers l'entrepreneuriat. D'abord en reprenant une boulangerie à Blois, puis en développant son concept via la franchise. Aujourd'hui, il chapeaute une cinquantaines de boulangeries. Portrait.
Avant de se lancer à son compte, Jean-François Feuillette a voulu faire ses armes chez les plus grands. Ce lorrain d'origine débute la pâtisserie à l'âge de 16 ans. Dès la fin de son apprentissage, il déménage à Paris et enchaîne les postes dans les maisons les plus prestigieuses. Après plusieurs années à se roder chez Pierre Hermé ou encore dans les cuisines du Georges V, Jean-François Feuillette se tourne vers l'entrepreneuriat. Une évidence pour lui. Comme il le confie :
En pâtisserie, à 25 ans, vous avez déjà 10 ans de métier. J'avais réalisé mes rêves, notamment ceux de travailler avec les plus grands
Et l'entrepreneur ajoute : "Ma volonté était de gérer a propre affaire. Je n'avais plus besoin de patron, je savais que j'avais désormais les compétences pour entreprendre." Avec son ex-épouse, tous deux passionnés de salon de thé, ils se mettent en quête d'un local à Paris. Avec en tête une idée bien précise de ce qu'ils veulent. "Quand j'habitais à Paris, je passais régulièrement devant la Boulangerie Alsacienne. Cet établissement affiche un univers magnifique, avec une ambiance chaleureuse et des produits gourmands. C'était vers cela que l'on voulait se tourner."
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Sacrifices et passion
Finalement, Jean-François Feuillette et son ex-épouse s'orientent vers la reprise d'une boulangerie existante et pose leurs valises à Blois. "On s'est rendu compte qu'une création était impossible. Nous avons repris une boulangerie qui était accessible avec nos moyens de l'époque. Cela nous a demandé un peu moins de 100 000 euros d'investissement", se souvient le chef d'entreprise. Cette première boulangerie, Jean-François Feuillette l'a reprend en 2009, à 25 ans à peine. "Là, c'est vraiment la découverte de l'entrepreneuriat", confie-t-il, avant d'ajouter :
Quand on envisage d'entreprendre, il y a plein de choses auxquelles on ne pense pas comme la gestion de l'équipe ou la fixation des prix.
Et les premiers mois d'activités sont aussi ceux des premiers déboires. En reprenant cette première boulangerie, Jean-François Feuillette a conservé les deux salariés. "Un boulanger et une vendeuse. Mais économiquement, le poste de vendeuse n'était pas viable au départ. J'ai donc dû procéder à un licenciement économique et ma femme a repris le poste. Cela m'a valu mon premier prud'homme. C'était compliqué à vivre mais c'était un passage obligé pour réussir", analyse l'entrepreneur. Sans détours, le chef d'entreprise insiste sur le fait que l'entrepreneuriat c'est aussi une affaire de sacrifices. "Les premières années, je me versais seulement 300 euros de salaires, je mangeais les restes invendus et j'habitais un 30 mètres carrés au-dessus de la boulangerie. Le tout en travaillant 90 heures par semaine. C'étaient des sacrifices nécessaires", résume-t-il.
Convaincre la clientèle
Aussi, l'entrepreneur découvre les aléas de la reprise d'entreprise et la complexité de convaincre la clientèle. "L'ancien propriétaire était là depuis 30 ans. Il avait ses habitudes, ses recettes et des clients très fidèles", souligne Jean-François Feuillette. Il a donc fallu du temps à l'entrepreneur et son épouse pour parvenir à séduire. "Quand je me suis lancé, proposer uniquement de la tradition bio c'était un vrai parti pris. Nous avons dû faire preuve de patience pour convaincre. Il faut être armé pour entendre les clients dire qu'ils préféraient les gâteaux de l'ancien propriétaire", ironise à moitié l'entrepreneur. Mais la passion de l'entrepreneur et surtout son exigence sur la qualité auront raison des réticences des consommateurs locaux. De fil en aiguille, la boulangerie Feuillette se bâtie une solide réputation et parvient à multiplier par quatre son chiffre d'affaires en moins de trois ans.
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D'une assise locale à un développement national
Rapidement, ce succès incite l'entrepreneur à se développer sur d'autres points de vente. D'abord en ouvrant d'autres établissements à Blois puis en investissant de nouveaux territoires comme Vendôme et Orléans. Toujours avec une idée en tête : faire des lieux chaleureux mêlant bois, cheminée et fauteuils club. "Au début, pour déployer le concept c'était de la débrouille. Nous faisions nous-mêmes les travaux. Quand vous êtes chef d'entreprise, le peintre c'est vous !", insiste-t-il avant d'ajouter :
Futurs entrepreneurs, il faut être capable de vous dire que pendant deux ou trois ans vous ferez vivre l'entreprise avant de vous faire vivre vous-même ! C'est un sacrifice mais cela vaut le coup !
Le succès de ses boulangeries tenues en succursales donne des idées à d'autres entrepreneurs. C'est ainsi que, sollicité par des clients, Jean-François Feuillette amorce son développement en franchise et accueille son premier franchisé en 2014. Aujourd'hui, l'enseigne compte 53 points de vente, dont 31 en franchise. Le réseau assure que chacun de ses établissements réalise en moyenne 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Des performances qui conduisent Jean-François Feuillette et son équipe à intensifier le développement. Le réseau souhaite atteindre le cap symbolique des 100 unités d'ici 2026. Rien que cette année, 18 nouveaux points de vente Boulangerie Feuillette devraient voir le jour, dont une quinzaine en franchise. "Le développement en succursales reste pour moi important. J'aime porter de nouveaux projets. Je suis un entrepreneur avant tout et c'est comme ça que je trouve mon équilibre", insiste-t-il.
Être humble avant tout
L'une des plus grandes fiertés de Jean-François Feuillette ? Avoir réussi à créer une équipe fidèle. "Certains des premiers apprentis que j'ai embauchés à mes débuts gèrent aujourd'hui 120 personnes dans notre laboratoire central. Arriver à entraîner toute une équipe derrière soi, c'est vraiment un accomplissement en tant qu'entrepreneur", confie-t-il. Tout n'a pourtant pas été un long fleuve tranquille. D'abord, il y a eu la séparation d'avec son épouse, son associée. Aujourd'hui, l'entrepreneur possède 100 % du capital. "Avec le recul, entreprendre en couple reste évidemment une force car on se soutient beaucoup. Mais tout le monde n'est pas capable de le faire. Surtout dans un univers très prenant comme la boulangerie", confie Jean-François Feuillette. Et le chef d'entreprise l'admet sans aucune honte : il a commis des erreurs, tant stratégiques qu'au niveau du management. Il affirme ainsi :
Mais on apprend de ses erreurs. En revanche, on n'apprend pas à être entrepreneur ou chef d'entreprise tout seul dans son coin. On le devient avec les autres.
D'où l'importance de se faire accompagner. Aux futurs entrepreneurs, Jean-François Feuillette conseille logiquement de se faire épauler, notamment en rejoignant des associations d'entrepreneurs. "N'hésitez pas à demander des conseils. Pour être patron, il faut avoir beaucoup d'humilité et être conscient de ses limites", conclut-il.