À l'issue de ses études, Justine Hutteau se lance dans l'aventure entrepreneuriale. En 2019, la jeune femme crée Respire, marque de cosmétiques naturelles et éco-friendly produite en France. En à peine quatre ans, Justine Hutteau a multiplié les références avec toujours un seul crédo : impliquer les consommateurs au maximum.
Pour Justine Hutteau, tout est parti d'une mésaventure personnelle. En 2017, les médecins lui diagnostiquent une tumeur bénigne à la poitrine. Un événement, certes sans gravité, mais qui conduit la jeune femme à remettre en cause les produits qu'elle utilisait quotidiennement. Et notamment les déodorants. "Ce pépin de santé m'a fait réaliser l'importance de prendre soin de son corps. En analysant le marché des déodorants à l'époque, j'ai constaté qu'il existait deux extrêmes. D'un côté, il y avait les grands groupes dont les produits étaient plébiscités mais avec un tas d'ingrédients controversés. Et de l'autre, des petites marques plus clean et parfois bio mais aux nombreux inconvénients (pas agréables à utiliser et pas forcément efficaces)", détaille l'entrepreneure.
Lire aussi :
| Louis Frack : "Entreprendre jeune ? Un avantage concurrentiel !"
Face à ce constat, Justine Hutteau voit l'opportunité de se lancer dans l'entrepreneuriat en créant sa propre marque de cosmétiques naturelles et écofriendly baptisée Respire. Et la jeune femme, convaincue du marché à exploiter, n'était pas du tout effrayée à passer le cap. Au contraire.
J'ai la chance, par rapport à d'autres porteurs de projet, puisque j'ai baigné dans un environnement où être entrepreneur est possible. Mon père mais aussi mes grands-parents ont monté leur boîte. De fait, j'ai toujours rêvé d'entrepreneuriat.
À l'époque, Justine Hutteau refuse même un CDI pour monter son projet."Mes parents essayaient de me convaincre d'accepter ce poste. Mais ils ont vu l'étincelle dans mes yeux lorsque je parlais de mon projet et ils ont compris que c'était important pour moi. Ils m'ont soutenu et m'ont aidé à me fixer une deadline", se souvient Justine Hutteau.
Trouver la bonne formule
Au même moment, la jeune femme rencontre son futur associé, Thomas Méheut. "Il était passionné d'entrepreneuriat et avait déjà eu une expérience. On a vraiment eu un coup de cœur professionnel", se rappelle Justine Hutteau. Le duo décide de s'associer et part à la recherche d'un laboratoire en mesure de les accompagner dans l'élaboration de leurs premières formules. Après une centaine de laboratoires contactés, ils parviennent à convaincre l'un d'entre eux de les épauler. "On nous disait sans arrêt que nous étions trop petits. Les choses ont, depuis, un peu évolué. Les laboratoires sont plus enclins à travailler avec des entrepreneurs qui se lancent", analyse Justine Hutteau. Si accumuler les refus n'était pas chose facile, l'entrepreneur assure n'avoir jamais douté du projet et de sa réussite. "Je savais que nous finirions par rencontrer une personne qui nous ferait confiance. Et ce fut le cas avec Véronique Prévost, docteure en pharmacie. Elle a été touchée par notre projet et nous a soutenus. Avec elle, on a mis un an pour développer la formule du premier déodorant Respire."
Crowdfunding et réseaux sociaux
Pour financer le projet et tester l'appétence des consommateurs, les deux compères décident de lancer une campagne de crowdfunding sur Ulule. Avec l'objectif de lever assez d'argent pour amorcer la production de 3 000 premières unités. "Le crowdfunding s'est naturellement imposé, car à partir du moment où nous avions acté la formule, il nous fallait un délai légal de 6 mois pour que les tests réglementaires soient réalisés. On s'est dit que nous ne voulions pas attendre autant de temps sans rien faire", confie Justine Hutteau. Résultats : les espérances des deux co-fondateurs sont largement dépassées. À leur grand étonnement, Respire parvient à récolter 250 000 euros. De quoi produire 20 000 déodorants. Un succès largement dû à la préparation millimétrée des associés. "On avait tout anticipé de manière très scolaire. Nous avions par exemple réalisé toutes les communications en amont, programmées tous les trois jours", insiste Justine Hutteau. Un travail monstrueux mais qui a payé. La présence sur les réseaux sociaux a également été un gros plus pour la marque. La première vidéo postée sur Linkedin a récolté plus 1,5 million de vues et 35 000 likes. "Cela nous a permis de nous créer une vraie communauté dès le départ", affirme l'entrepreneure. Et Justine Hutteau conseille aux futurs porteurs de projet de ne surtout pas négliger les réseaux sociaux. "Cela est une force énorme et permet de toucher des potentiels clients sans dépenser d'argent."
Lire aussi :
| Gaspard Duval : "Nous avons lancé l'entreprise avec seulement 2 000 euros"
Co-construire la marque
À la clôture du crowdfunding, si l'engouement pour le produit rassure les deux associés, le stress et l'angoisse émergent. "C'était un mélange de joie, d'aboutissement mais aussi de stress. On se demandait si nous allions arriver à produire autant et surtout si le déodorant allait plaire", confie Justine Hutteau. Dans le même temps, Respire est sollicité par Monoprix et Sephora. Une fierté pour la co-fondatrice qui explique toutefois ne pas avoir voulu aller trop vite.
Ce sont des retailers historiques, donc c'était flatteur qu'ils nous démarchent. Mais nous avions effectivement cette peur de ne plus maîtriser notre image. Nous avons rencontré les équipes de ces deux enseignes et tout le monde a été bienveillant. Ils nous ont parfaitement accompagné.
Finalement, le premier déodorant Respire voit le jour en mai 2019. Les premiers clients reçoivent leurs précommandes passées quelques mois plus tôt sur Ulule. Et si 75 % des premiers consommateurs à tester le produit sont convaincus, d'autres sont déçus. Une douche froide pour l'entrepreneure qui a dû prendre du recul face aux critiques. "Je me suis confrontée aux premiers haters, car dans les mauvais retours, tous n'étaient pas constructifs. C'est là que je me suis rendu compte que l'on ne pouvait pas plaire à tout le monde", concède Justine Hutteau. Avec son associé, elle se remet en question et décide de prendre contact avec les 25 % de consommateurs mécontents. Le but : comprendre ce qui cloche pour améliorer son offre. "Je leur ai proposé de développer leur déodorant idéal. Cela a pris deux ans. Nous avons au final sorti une nouvelle version de notre produit en septembre 2021, cette fois-ci sous format solide et en stick, avec une efficacité de 48 h. Aujourd'hui, c'est notre best-seller", assure Justine Hutteau. Un travail de co-construction salvateur et qui a été pérennisé.
La co-fondatrice a ainsi fondé "La Ruche Respire", une communauté de consommateurs aidant la marque à identifier et tester les bonnes formules. "Pour chaque nouvelle référence, nous faisons appel à 100 testeurs inscrits sur notre compte Instagram dédié. Tant que le produit n'atteint pas la barre des 4,5/5, nous ne le commercialisons pas. Construire la marque en proximité avec les consommateurs nous assure la qualité et l'efficacité des produits. C'est un axe stratégique primordial pour nous", assure Justine Hutteau. Aujourd'hui, la marque affiche une gamme d'une trentaine de références. Outre le déodorant, Respire s'est diversifié et propose shampoings, dentifrices et autres crèmes. Et continue de séduire un spectre de clients toujours plus large. La marque, qui ne dévoile pas son chiffre d'affaires, assure pour autant afficher une croissance de 30 % de son activité tous les trimestres. Depuis 2019, pas moins de 6 millions produits ont été vendus. L'un des piliers assurant le succès de Respire ? La distribution que ses créateurs ont voulue hybride dès le départ. "Nous avons quatre canaux complémentaires. Le site Internet (qui représente 45 % des ventes) ; la GMS avec Monoprix ; les magasins de beauté (Séphora, Marionnaud, Nocibé et Blissim) et les pharmacies. Nous avons testé d'autres canaux comme les points de vente lifestyle (Printemps, Samaritaine, etc.) ou encore spécialisés tel que Décathlon. En clair, nous testons beaucoup de choses et nous nous fermons aucune porte", insiste la co-fondatrice de Respire.
Trouver son équilibre
Si tout semble aller pour le mieux pour Respire, l'entrepreneure a toutefois connu des périodes difficiles. Notamment liées aux critiques sur les réseaux sociaux au lancement de son premier produit. "L'entrepreneuriat, c'est un grand huit émotionnel ! On n'est jamais assez préparé. Il faut développer son optimisme, ne pas baisser les bras et trouver des alternatives si on est face à une embûche", insiste Justine Hutteau. Pour parvenir à prendre du recul, la jeune femme se fait accompagner par un coach. Très présente sur les réseaux sociaux, la co-fondatrice, qui n'hésitait pas à incarner sa marque, a même décidé de se mettre en retrait. "Au début, la question ne s'était pas posée. Mais quand j'ai été personnellement attaquée, j'ai eu ce besoin de prendre un peu de distance. J'ai changé ma manière de communiquer", souligne-t-elle. Enfin, la chef d'entreprise conseille d'écouter son corps et de prendre le temps de recharger ses batteries. La jeune femme conseille ainsi :
Trouver son équilibre avec temps 'off' est primordial. Ne négligez pas cela. Même si vous pensez que c'est impossible en phase de lancement. Il y a beaucoup d'entrepreneurs qui dorment peu et ne partent pas en vacances, c'est un tort.
Et Justine Hutteau parle en connaissance de cause. L'entrepreneure confie en effet se remettre tout juste de quatre côtes fracturées dues à la fatigue. "Depuis mars 2021 je souffrais mais je ne m'écoutais pas. Au final, le diagnostic est tombé il y a plusieurs mois. J'ai dû arrêter le sport, prendre du recul, réaliser qu'il fallait moins se stresser pour de petits détails et j'ai surtout compris qu'il fallait déléguer davantage. C'est difficile d'avoir ce rôle de visionnaire stratégique et d'être en même temps dans l'opérationnel", confie Justine Hutteau. Et cette dernière confirme qu'il est très important d'être entouré. Tant par la famille que de mentors. "C'est très difficile de trouver un équilibre parfait à 100 %. Mais les conseils des autres vous aideront !", conclut-elle.