À 44 ans, Laurent Gizzi dirige, avec son associé David Ahnine, une dizaine de restaurants en région parisienne du Groupe Bertrand, sous toutes ses enseignes (Au Bureau, Hippopotamus, Léon, Volfoni). Tantôt en tant qu’investisseur, tantôt en tant qu’opérationnel.
Laurent Gizzi est un chef d'entreprise multi-activités, également gestionnaire de droits à l’image et de fonds financiers de sportifs de haut niveau, nous raconte son parcours, tout en résilience, qui l’a amené de l’univers du luxe à la multi-franchise. Né dans le Val-de-Marne de parents italiens, l’un marbrier tailleur de pierre et l’autre femme de ménage, Laurent Gizzi a pu mener des études jusqu’à un Master de Luxe, avec option Finances. Bien qu’une grande partie de sa famille soit déjà restaurateurs de l’autre côté des Alpes, il ne sera pas tout de suite le fruit de son environnement. Il attendra une dizaine d’années avant de suivre le principe fétiche de son grand-père, "la tradition pour la transmission". "J’ai d’abord appris à me remettre en cause chez L’Oréal, au contact de ses commerciaux. J’arrivais avec mes grandes idées apprises à l’école de commerce, je suis reparti avec les idées pragmatiques d’hommes de terrain, souligne-t-il, avant d'ajouter :
Cette multinationale, focalisée sur le service client, m’a enseigné les fondements de ma vie professionnelle : l’écoute, car toutes les vérités sortent du silence, et le respect.
Et le chef d'entreprise, aujourd'hui associé dans une dizaine de restaurants du Groupe Bertrand, sous toutes ses enseignes de restauration (Au Bureau, Hippopotamus, Léon et Volfoni) insiste : "J’essaie aujourd’hui d’inculquer ces deux grandes valeurs à mes salariés, en leur affirmant : ne doutez jamais de vous-mêmes !"
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Débuts entrepreneuriaux dans la restauration rapide
Après sept années chez L’Oréal, installé dans le sud de la France et parcourant l’Europe, il revient en région parisienne auprès de son père, malade, s’engageant avec une société leader mondial dans le packaging pour la cosmétique. "Le salariat ne permet pas le contrôle de son libre-arbitre. L’entrepreneuriat m’a attiré pour sa liberté de mouvement, et non pas pour une question de revenus." Une opportunité se présente alors à Laurent Gizzi. "Mon meilleur ami de l’époque, banquier du premier franchisé Subway en France, m’a proposé de s’associer et de lancer nos propres restaurants sous cette enseigne. Lui comme manager du point de vente, et moi comme investisseur, d’abord en conservant mon emploi avant de le rejoindre dans l’exploitation." Ensemble, ils ouvriront trois établissements sur Paris et proche banlieue, dont le premier verra le jour en 2008. "Cette franchise m’a fait comprendre que la restauration repose sur le service client. Si le produit tient la route, on gagne sa vie. Mais l’égo et l’orgueil ont pris le dessus, et dans notre association fondée sur une amitié de 18 ans, les atouts d’hier sont devenus les contraintes d’aujourd’hui, confie-t-il, avant d'ajouter :
Je me suis séparé avec mon associé en 2015, proprement, sans oublier qu’il était d’abord un ami.
Une part de créativité dans un concept ultra-contrôlé
À l’origine sportif aguerri (classé première série au tennis), Laurent Gizzi tente sa première aventure entrepreneuriale en solo, dans le marketing et le management d’athlètes professionnels (joueurs de football et de NBA, pilotes de Formule 1…), dont un judoka français mondialement connu. Il gère notamment leurs droits à l’image et leurs fonds financiers. Il reste ainsi proche de David Ahnine, l’ancien patron du développement de Subway, qui lui propose à nouveau un rôle d’investisseur en 2017 dans un restaurant Au Bureau, tandis qu’il gérera la partie opérationnelle. Une forme de binôme déjà éprouvé avec, cette fois, une marque à plus fort potentiel. "Au Bureau, une marque structurée et structurante, nous offrait une capitalisation à terme plus importante. Ce qui me plaît dans la franchise, c’est qu’elle nous donne une part de créativité dans un concept ultra-contrôlé, nous permet d’exprimer un côté humain et artistique selon un savoir-faire et une méthodologie bien définis. À l’image du logo de mon entreprise, un camembert de Trivial Pursuit", insiste Laurent Gizzi. Et le chef d'entreprise concède n'avoir jamais aimé être mono-activité. "En raison de ma soif d’apprendre. J’ai apporté dans cette nouvelle aventure entrepreneuriale ma capacité à fédérer des équipes, à émouvoir et convaincre. Je ne suis pas un expert en cuisine, mais je connais 100% les prénoms de nos 300 salariés actuels. Chacun est traité de la même manière, insiste Laurent Gizzi, avant de préciser :
J’essaie d’être juste et droit, comme mon père disparu de la Covid, avec toujours la même idée-force en tête : la tradition pour la transmission.
Changement de stratégie, et bascule vers l’opérationnel
En devenant franchisé du Groupe Bertrand, Laurent Gizzi s’est impliqué dans tous les domaines, et notamment la formation Au Bureau. "Toute ma vie, je resterai un éternel apprenti. J’ai réalisé cette formation, plutôt ludique, dont je maîtrisais pourtant les contenus, pour l’exemplarité et par équité. Non pas en étant simplement présent mais attentif lors des enseignements ! Reformuler son savoir permet de mieux le contextualiser. Je suis d’ailleurs toujours en contact permanent, par mail ou SMS, avec mes formateurs de l’enseigne." Et le multi-franchisé insiste sur le fait qu'il faut savoir rester humble en tant qu'entrepreneur, notamment au regard du parcours d’Olivier Bertrand, le fondateur du groupe. "L’histoire de ce groupe s’est construite dans la résilience, l’audace et l’anticipation. Olivier Bertrand a osé dépoussiérer une marque de burger devenue obsolète en réinventant son modèle économique pour la transformer en une marque leader appréciée de tous, sur un segment encore très porteur à terme dans l’Hexagone, souligne Laurent Gizzi, avant de préciser :
En 2020, le groupe Bertrand, qui veut rester équitable dans l’affectation des zones d’implantation, nous a proposé, de reprendre un cluster de trois restaurants sur Villabé. Le franchisé, profondément attaché à ses équipes, voulait vendre à des personnes qui lui ressemblent, pour que ces points de vente perdurent et ne deviennent pas juste des outils financiers.
Le chef d'entreprise en profite pour proposer à son associé d'inverser les rôles afin d'être un peu plus dans l'opérationnel. "Je voulais me réinvestir sur les parties managériale et analytique. J’ai ainsi également inversé la proportion de temps pris par la gestion de sportifs, tombée à 20%, en prenant en main directement le cluster de Villabé", confie Laurent Gizzi.
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Le prix attire le client, mais seule la qualité du service le retient
La multi-franchise nécessite une organisation millimétrée de la gestion des restaurants. Comme en témoigne Laurent Gizzi. "Nous disposons d’un siège social, dans le toit d’un de nos restaurants, modifié pour accueillir des bureaux. Notre équipe en back office compte près d’une dizaine de collaborateurs, pour l’administratif ou le community management. Une réunion hebdomadaire a lieu sur place avec l’ensemble des directeurs des restaurants et des managers de nos unités." À date, si les associés prévoient deux nouvelles ouvertures à court terme, ils cherchent surtout à consolider leur investissement, plutôt que de se développer davantage. "Avec mon associé, qui gère la partie fournisseurs sur le cluster de Villabé, le contact est permanent, déjà plusieurs fois par jour au téléphone. On déjeune aussi généralement le midi dans un de nos restaurants, et deux fois par semaine le soir, car le personnel doit savoir que nous sommes là pour les épauler, voire aussi pour les jauger", souligne le chef d'entreprise. Et il l'admet : être chef d'entreprise c'est penser constamment aux performances des différentes affaires. "On se couche avec les chiffres de la journée, en débriefant ensemble. On croise les données entre le chiffre d’affaires et les commentaires de nos clients. Cette discipline quotidienne, destinée au personnel, nous permet d’aller vers l’excellence, explique Laurent Gizzi, avant de préciser :
Le prix attire le client, mais seule la qualité du service le retient. Si nous disposons de directeur multisites ou d’exploitation, demain nous aurons un superviseur et un directeur des opérations par marque. Déléguer nous permettra de redévelopper.
Laurent Gizzi affirme aussi : avoir des regards différents et complémentaires entre associé est important. "Je lui laisse volontiers le pouvoir de décision en raison de son expérience dans la restauration, mais il m’écoute et me sonde en permanence", émet Laurent Gizzi.
Accepter le bon et le moins bon en franchise
Au-delà de l’écoute et du respect, le parcours de Laurent Gizzi s’est notamment bâti autour d’une pierre angulaire : la confiance. "Aucun de nos établissements n’a aujourd’hui de problèmes financiers, et je pense qu’après 2023, le plus dur de la crise Covid-19 sera passé. Nous faisons confiance au groupe Bertrand à concevoir le business de demain et sa philosophie, lequel nous l’a bien rendue en nous confiant le cluster de Villabé. Dans une relation de franchise, accepter le bon et le moins bon, le risque de gagner comme de perdre, fait partie du jeu", souligne Laurent Gizzi, avant de préciser :
En tant que franchisé, nous avons une honnêteté intellectuelle à rendre au franchiseur. Seuls les aprioris et les préjugés nous amènent à des erreurs.
La confiance des proches reste aussi fondamentale selon l'entrepreneur. Et ne pas négliger en tant que futur porteur de projet. "Dans mon parcours professionnel, j’ai aussi bénéficié de la confiance de ma femme, qui a été extraordinaire et ne m’a jamais lâché, même dans les situations compliquées. Elle demeure mon premier moteur de réussite", souligne-t-il. Et le chef d'entreprise insiste également : "J’aimerais, à terme, offrir l’opportunité à des collaborateurs qui nous ont fait confiance, de se développer et de les accompagner dans leurs futurs projets, notamment entrepreneuriaux. Quoi de plus beau que de donner flambeau à des personnes qui vous ont permis de rayonner ? Pour les candidats à la création d’entreprise, la différence entre un rêve et un projet, c’est que le projet possède une date, presqu’un planning de réalisation. Si vous le possédez… alors foncez !", conclut Laurent Gizzi.