Réseau d'incubateurs, Les Premières accompagne les entrepreneures dans leur projet de création d'entreprise. L'association vient de lancer un nouveau programme dédié à la reprise d'entreprise. Marjolaine Pierrat-Ferraille, déléguée générale, nous explique.
Les Premières fêtent leur 20e anniversaire en 2023. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de l'association et son ambition ?
En effet, l'association Les Premières est née en 2003, impulsée par un groupe de femmes entrepreneures qui faisaient face à un plafond de verre dans leurs entreprises et qui souhaitaient se lancer dans l'entrepreneuriat. Mais elles se sont rendu compte que certains freins existaient et elles ont monté l'association pour accompagner les femmes entrepreneurs. Parmi les principaux freins, celui du financement est l'un des plus importants. Les femmes ont deux fois moins de chance d'obtenir un prêt bancaire. L'association Les Premières a pour objectif de lever ces freins. Aujourd'hui, on représente 22 incubateurs implantés partout en France et on accompagne 1 000 entrepreneures par an. 85 % d'entre-elles sont toujours en activité au bout de 3 ans.
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Concrètement, comment accompagnez-vous les entrepreneures ? Les programmes sont-ils ouverts à tous ?
Nous avons, au total, 6 programmes d'accompagnement. Nous avons un premier cursus de deux jours, baptisé "start", dont l'objectif est d'affiner l'idée de départ et le profil de la porteuse de projet. Dans ce programme, nous travaillons d'ores et déjà la posture afin de lever tous les freins qui peuvent exister aux yeux des entrepreneures. Nous avons un autre programme, plus long (100 heures) qui a pour but d'accompagner sur le long terme. Les projets des entrepreneures ne sont souvent pas assez bien calibrés. Notre volonté chez Les Premières est donc simple : nous voulons monter en ambition les business plans. On a tendance à dire que chez nous, le terme "petit" est interdit. On apprend aux femmes à ne pas avoir peur d'être ambitieuses. Nous avons aussi un travail de réorientation important. On le sait que toutes les femmes qui passent par Les Premières ne deviendront pas entrepreneures. Il y a des projets qui n'aboutissent pas. C'est aussi notre job de les accompagner et c'est en ce sens que nous travaillons avec les associations 60 000 Rebonds et Second Souffle.
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Comment candidater à l'un de vos programmes ? Et quel coût cela représente-t-il pour la porteuse de projet ?
Les candidatures se font au niveau local, auprès de chaque incubateur. Dans notre choix final, nous apportons une grande attention aux projets qui ont un impact social ou environnemental important et qui créent de l'emploi. Nous accompagnons uniquement des femmes ou des projets mixtes. Côté coûts, c'est compliqué de donner un montant, car cela dépend de la région mais aussi du type de programme. Majoritairement, le CPF peut être mobilisé. Nous avons une logique associative, donc on ne cherche pas à faire du bénéfice. Le seul bénéfice pour nous est de voir les femmes réussir leur projet.
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Vous venez de lancer un nouveau cursus d'accompagnement à la reprise d'entreprise. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Effectivement, nous venons de lancer, dans notre incubateur d'Aix-en-Provence, un programme pilote dédié à la reprise d'entreprise. Appelé Switch, ce cursus se déroule sur 18 mois, avec une période intensive de 3 mois et 15 mois de suivi. Des ateliers de conduite au changement et sur la négociation sont notamment proposés. Pour cette première promotion, lancée la semaine dernière, nous accompagnons 5 personnes et une seconde promotion devrait démarrer au printemps. Nous allons très vite tester le cursus dans d'autres incubateurs, notamment à Lyon et en Bretagne.
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Pourquoi était-ce important de proposer un programme dédié à la reprise d'entreprise ?
Le "repreneuriat" au féminin est un sujet en friche. Il y a au minimum 66 000 entreprises à reprendre en France. Et encore, nous estimons que ce chiffre est sous-évalué. Or, la France manque de repreneurs, et surtout de femmes qui se lancent dans la reprise d'entreprise. 5 % des repreneurs sont des femmes, ce qui est très peu. On identifie trois freins à ce manque de porteuses de projet. Le premier est financier, on l'a déjà évoqué. Le second reste que les entrepreneures n'identifient pas la reprise d'entreprise comme possible, elles n'y pensent pas d'emblée. Cela est notamment dû au fait qu'il n'y a pas véritablement de rôle modèle auquel elles peuvent s'identifier. Enfin, il y a la relation avec le cédant qui reste, majoritairement un homme. Autant d'axes sur lesquels nous travaillons dans ce nouveau programme. Notre but est vraiment de montrer que c'est possible et que surtout, il peut y avoir des avantages à s'orienter vers une reprise de TPE. Notamment, le capital de départ à mobiliser peut être moins important que sur une création et surtout cela peut faciliter l'accès à un prêt bancaire car vous reprenez une boîte existante. Autre point non négligeable : la reprise permet de générer un chiffre d'affaires quasi immédiat et donc de s'octroyer un revenu. C'est un argument qui, aux yeux des femmes, doit permettre de lever certains freins liés l'entrepreneuriat.