Interview

Olivier Dauvers : "Le discount n'a plus de frontières"

Camille Boulate
Olivier Dauvers :

Depuis quelques années, les enseignes du discount ont su se réinventer pour capter une nouvelle clientèle. Le marché, aujourd'hui plébiscité par tous les consommateurs, est-il pour autant pérenne ? Olivier Dauvers, expert spécialiste de la grande distribution, revient sur les principales tendances de ce secteur d'activité.

Depuis quelques mois, le marché du discount semble surperformer. Est-ce vraiment le cas ?

Le secteur du discount est commercialement en bonne santé. Mais il est surtout sociologiquement en parfaite résonnance avec l'époque, et c'est l'aspect le plus important à comprendre. Il existe une attente sociale pour le discount qui n'a jamais été aussi forte et qui progresse chaque jour. Clairement, il y a un terreau fertile à ce marché. Cette appétence est la conséquence d'une notion que j'ai théorisée et que j'appelle le "vouloir d'achat" qui progresse beaucoup plus vite que le "pouvoir d'achat". Ce décalage produit un sentiment d'appauvrissement auquel le consommateur répond par une forte appétence pour le discount. Ce dernier devient alors un vrai allié pour continuer à se faire plaisir.

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Le discount n'est pas un marché naissant. Pourquoi les consommateurs semblent-ils davantage le plébisciter aujourd'hui ?

Il faut différencier les effets structurels des effets conjoncturels. Selon moi, les premiers ont infiniment plus de force que les seconds. Le marché du discount existait en effet bien avant la crise et existera bien après. Le contexte dans lequel on vit aujourd'hui lui donne en revanche davantage de crédit, surtout qu'il est beaucoup plus mis en avant dans les médias. Mais, ce contexte socio-économique et médiatique n'explique pas, à lui seul, cette forte appétence des consommateurs. Les acteurs du discount sont davantage plébiscités du fait de ce décalage entre le "vouloir d'achat" et le "pouvoir d'achat", qui était déjà présent avant la crise. 

Quelles sont les nouvelles tendances ?

Le constat reste que la notion de discount n'a pas de frontière. Pendant longtemps, le discount était assez périmétré et ne concernait qu'une partie de la population. Aujourd'hui, on se rend compte qu'il n'y a plus de frontières. Tous les consommateurs ont besoin du discount pour améliorer leur pouvoir d'achat, même les plus riches. Autre frontière qui a explosé : celle des marchés. Avant, le secteur du discount était périmétré qu'à certains types de produits. Des segments n'étant peu voire pas du tout concernés. C'était le cas du textile. Il existait des marques de moyenne gamme mais pas axées sur le discount. L'arrivée de Primark a changé la donne. Cela démontre qu'aujourd'hui tous les marchés sont concernés par le discount.

Quelle vision avez-vous de ce marché pour les prochaines années ?

Il faut s'interroger sur les raisons qui poussent les consommateurs à se tourner vers le discount. Je reviens à cette dichotomie entre le "vouloir" et le "pouvoir d'achat". Cela entraîne un sentiment de frustration, présent socialement dans le pays. Est-ce qu'il y a une chance ou un espoir que ce sentiment de frustration diminue ? À titre personnel, je pense que non. Car cette frustration est alimentée par la société de consommation et le progrès mais aussi par le pouvoir d'achat qui est assez faible. Si l'on prend en compte tout cela, clairement, le marché continuera de performer sur le long terme.

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Quels conseils donneriez-vous aux porteurs de projet qui souhaitent se lancer sur ce marché ?

J'émettrais deux idées principales. D'abord, plus on va sur un terrain où la compétitivité est importante, plus on a besoin d'avoir des conditions et des process qui sont optimisés. On n'est jamais low-price sans être low-cost, et il faut l'avoir en tête. Deuxième chose : prendre le risque d'investir dans ce secteur sans être adossé à une enseigne, cela risque d'être très compliqué. S'adosser à un acteur existant, en franchise par exemple, permet de capitaliser sur un imaginaire de marque et répondant à une promesse permet de partir avec une longueur d'avance. En revanche, il faut le faire non pas parce que l'enseigne existe mais parce qu'elle est un vrai levier d'innovation et un vecteur de réassurance vis-à-vis des consommateurs. Assurez-vous donc que son territoire de marque existe !

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