Dans un contexte climatique de plus en plus marqué par les fortes chaleurs, le marché de la piscine gagne du terrain et convainc toujours plus de Français. Le secteur semble devenir plus accessible et connaît de belles performances, notamment depuis la crise sanitaire. Décryptage.
Surfant sur la tendance du "bien chez soi", le marché de la piscine ne connait pas la crise. De plus en plus de Français semblent se laisser convaincre d'en installer une chez eux pour améliorer leur habitat. Selon la Fédération des professionnels de la piscine et du spa (FPP), 188 600 nouveaux bassins ont été installés en 2022. Au total, la France affiche 3,4 millions de piscines, partagées entre bassins enterrés (1,62 millions) et hors sol fixes (1,76 millions). "Nos bonnes performances ne sont pas uniquement liées au post-Covid. Nous enregistrions une croissance à deux chiffres avant la crise sanitaire. Toutefois, le marché a clairement explosé en 2021 et 2022, où nous avons enregistré une hausse respective de 26 % et 36 % du chiffre d'affaires.", insiste Joëlle Pulinx, déléguée générale de la FFP. Et cette dernière précise :
Au premier trimestre 2023 nous constatons, en revanche, une légère baisse du marché. Ce tassement était prévisible.
Si ce ralentissement semble logique, les acteurs du secteur ont tout de même de quoi se réjouir puisque selon les données de la FFP, le chiffre d'affaires, en 2022, reste en hausse de 20 % par rapport à 2019, où 156 000 piscines avaient été installées sur le territoire. "Nous avons eu évidemment une augmentation folle du marché. Nos résultats, après la crise sanitaire, ont été en augmentation de 43 % en 2020 et de 65 % en 2021. On revient, aujourd'hui, à une activité normale", insiste Mathieu Combes, PDG de l'enseigne Piscines Ibiza.
"Nous ouvrons entre 8 et 10 magasins par an"
En lançant son développement en franchise en 2019, Piscines Ibiza souhaitait intensifier son maillage territorial via de nouvelles créations de magasins. "Jusqu'ici, nous nous développions via des pisciniers existants", affirme Mathieu Combes, PDG de l'enseigne. Historiquement constructeurs de coques de piscines en polyester, Piscines Ibiza voulait mettre l'accent sur ses magasins en déployant un nouveau concept de point de vente. "Aujourd'hui nous avons 60 concessionnaires, dont une trentaine sous ce nouveau modèle", explique Mathieu Combes. À terme, l'enseigne entend passer le cap des 100 points de vente. "Nous ouvrons entre 8 et 10 magasins par an. On estime que le potentiel, pour notre enseigne, se situe autour des 120 unités. On a de quoi nous développer. Nous avons deux usines de production qui peuvent nous permettent de produire 4 500 piscines par an. Aujourd'hui, notre rythme annuel est de 2 500. Cela montre le potentiel qui s'offre à nous", détaille Mathieu Combes. Du côté des zones géographiques, certaines localités ne sont pas encore occupées, comme le centre de la France. "Le Mans, Orléans ou Auxerre sont des villes que nous visons. On recherche également en Lorraine et en Bretagne où nous ne sommes pas représentés", confirme le PDG de Piscines Ibiza. Si les opportunités existent, le manque de candidats se fait toutefois ressentir : "Cela s'explique par l'envergure de nos projets. Nous en avons un peu moins de candidats que d'habitude. Nous demandons un apport assez conséquent (environ 70 000 euros pour un investissement total de 240 000 euros)", explique-t-il, avant de conclure : "En ces temps compliqués, on sent que les candidats sont donc un peu plus frileux. En revanche, ceux qui nous contactent sont plus qualifiés, avec un projet beaucoup plus réfléchi."
Une piscine pour tous ?
Un marché dynamique boosté par une démocratisation de la piscine. Longuement perçue comme un signe de richesse, l'installation d'une piscine concerne désormais toutes les catégories de population, laissant présager un potentiel de chiffres d'affaires pour les acteurs du secteur. "Il faut savoir que 44 % des possesseurs de piscines sont des ouvriers, retraités ou employés. La piscine aujourd'hui, c'est celle de 'Monsieur tout le monde", affirme Joëlle Pulinx, avant de préciser :
On peut penser, en revanche, que les consommateurs ayant le moins de revenus sont les plus touchés par l'inflation et que cela pourra impacter négativement notre marché.
Selon la FFP, dans 70 % des cas, la présence d'une piscine constitue une incitation à l'achat d'une maison. "Désormais, installer une piscine revient à acheter une petite voiture. C'est un investissement possible pour tout le monde et accessible avec des crédits à la consommation. Les dépenses ne sont plus si énormes", estime Mathieu Combes, avant de souligner :
80 % de nos clients sont des salariés et employés. On s'adresse à tout le monde et pas uniquement à des cadres ou des chefs d'entreprise.
Pour Sébastien Gauthier, à la tête de l'enseigne Solidpool, le constat est identique. "Le marché s'est largement démocratisé. Il faut savoir que la France est le deuxième marché mondial derrière les États-Unis. L'émergence de piscines hors sol ou à coques a permis de booster l'accessibilité de ce bien de confort. Cela est beaucoup moins élitiste que cela ne l'était il y a encore quelques années."
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Impact écologique
La profession fait toutefois face à des enjeux importants, notamment en matière d'écologie. Face à un contexte climatique soucieux du manque d'eau, les acteurs du secteur, souvent décriés, doivent s'adapter. En effet, le marché de la piscine doit faire preuve de pédagogie et proposer toujours plus d'équipements moins énergivores. "Le secteur s'adapte depuis 2006 sur les questions environnementales. Ce n'est donc pas nouveau. Depuis 1990, on a baissé de 45 % l'usage de l'eau pour le remplissage d'une piscine. Aujourd'hui, le marché est stigmatisé, mais ce n'est qu'une mauvaise image", déplore Joelle Pulinx. Et cette dernière détaille :
Le grand public ne le sait pas forcément mais une piscine ne se vide et il n'y a pas besoin de baisser son niveau d'eau en hiver ! Le principe même d'une piscine aujourd'hui : on la remplit et on conserve l'eau pendant dix ans !
Et, d'après les chiffres de la FFP, l'ensemble du parc des piscines privées en France ne représente que 0,15 % de l'utilisation d'eau nationale. "En réalité, c'est un faux débat et c'est davantage une dénonciation d'un signe extérieur de richesse qu'autre chose", estime de son côté Sébastien Gauthier, avant de préciser :
Nous n'avons pas attendu les discours démagogiques et politiques pour trouver des solutions. Chez Solidpool, par exemple, nous avons déployé un local technique très faible en énergie et automatique pour utiliser uniquement l'énergie nécessaire.
Un exemple parmi tant d'autres. Selon la Fédération des professionnels de la piscine et du spa, les fournisseurs et distributeurs ont su s'adapter et proposer de nouvelles solutions, comme les couvertures et les abris limitant entre 40 et 90 % de l'évaporation du bassin et évitant donc un nouveau remplissage.
"Nos franchisés sont rentables au bout de 18 mois"
Après plusieurs années à évoluer dans le milieu de la piscine, Sébastien Gauthier a racheté l'entreprise SolidPool en 2021. "À l'époque, l'entreprise s'appelait Tout pour l'eau. Après un audit interne, j'ai redéfini la stratégie. L'un des piliers était d'améliorer la notoriété spontanée de la marque en dynamisant la communication et en changeant de nom, beaucoup plus parlant", insiste Sébastien Gauthier. Autre axe essentiel pour SolidPool : bâtir un réseau via des partenaires indépendants. Aujourd'hui, l'enseigne, initialement spécialisée dans le moulage de bloc à bancher pour la construction de piscines, se reposait sur une soixantaine de revendeurs distributeurs. Aujourd'hui, en complément, elle se développe via un réseau d'affiliés. "À date, nous avons une quinzaine de magasins Solidpool, dont 5 tenus en propre et 10 en franchise", indique Sébastien Gauthier. L'ambition de l'enseigne étant d'accueillir 35 nouveaux franchisés d'ici 2026. Et d'accentuer son développement à l'export. "Nous sommes présents sur des pays assez lointains comme le Canada ou la Malaisie. Mais pas dans des pays proches en Europe. Notre souhait est donc d'avoir une approche plus logique et harmonieuse à court terme", insiste le PDG. Pour intégrer l'enseigne Solidpool, un investissement de 150 000 euros environ est nécessaire, pour un apport personnel de 30 %. "C'est une moyenne. Car on adapte le projet en fonction de la région et du projet. La surface nécessaire pour nous développer est de 150 à 200 mètres carrés d'espace de vente", détaille Sébastien Gauthier. La volonté de Solidpool est de fidéliser ses clients en proposant un panel de services annexes à la pose de la piscine. "Nous avons une double activité de constructeur et de vendeur. L'un ne va pas sans l'autre dans notre concept. L'avantage ? On minimise la saisonnalité de l'activité et une fois le bassin construit on fidélise notre clientèle", affirme Sébastien Gauthier avant de conclure : "C'est une offre 360° pour et autour de la piscine. Grâce à cela, nos franchisés sont rentables au bout de 18 mois."
De nouveaux enjeux
Au-delà des attentes liées à l'écologie, les consommateurs affichent surtout un besoin de services et une adaptation au plus près de leurs demandes. "Les Français veulent des piscines plus petites, moins profondes et bien équipées. Surtout, ils souhaitent une facilité d'entretien", affirme Joëlle Pulinx. Pour Sébastien Gauthier, les consommateurs veulent un bassin accessible en termes de prix, surtout en ces temps de questionnement sur le pouvoir d'achat. "Toutes les technologies limitant l'impact écologique sont attendues et demandées par les clients, mais elles restent assez onéreuses. Pour une cuve de récupération, il faut prévoir un terrassement, des batteries, etc. Tout cela a un coût et un certain nombre de Français privilégient leur pouvoir d'achat, ce qui est normal", insiste le PDG de Solidpool, avant de préciser :
Cette année, avec l'inflation, le prix moyen des piscines a augmenté. L'obtention de prêt se fait de plus en plus difficile. Des questions qui ne se posaient pas forcément ces dernières années mais qui deviennent de vrais enjeux pour les acteurs du secteur.
Malgré tout, si le marché devrait se tendre dans les prochains mois sur l'installation de nouveaux bassins, la partie entretien devrait continuer de prendre de l'ampleur. "Le parc de piscines est important aujourd'hui et il faut l'entretenir. Donc l'activité en magasin devrait rester stable", affirme Sébastien Gauthier. De son côté également, Mathieu Combes s'avère confiant. "L'activité reste soutenue. On sent que les clients changent un peu leur comportement. Avant, ils se dépêchaient à commander leurs piscines. Aujourd'hui, la demande de devis est toujours importante mais la prise de décision est très lente", conclut-il.