© PIERRE OLIVIER/M6
Depuis maintenant trois saisons, l'émission "Qui veut être mon associé ?" fait la part belle à l'entrepreneuriat. Diffusée sur M6, le programme met en avant le périlleux exercice du pitch devant des investisseurs pour parvenir à lever des fonds. Mais, en tant qu'entrepreneur, à quel moment faut-il actionner ce levier ?
Des entrepreneurs face à 5 investisseurs de renom. Le concept de l'émission "Qui veut être mon associé ?" repose sur l'exercice périlleux, mais surtout stressant, de la levée de fonds. Le programme, diffusé depuis trois saisons sur M6 rencontre le succès. Et a surtout démocratisé l'entrepreneuriat aux yeux du grand public, en faisant découvrir des porteurs de projets audacieux, tels que Justine Hutteau, co-fondatrice de la marque Respire. La troisième saison, diffusée depuis le 4 janvier, a d'ailleurs enregistré le meilleur démarrage du programme. En moyenne, 1,89 million de téléspectateurs ont assisté aux pitchs des porteurs de projet, en quête de financement. Si l'exercice semble simple pour la quarantaine de porteurs de projet qui se succèdent chaque saison, qu'en est-il réellement ? Et surtout, à quel moment faut-il partir à la recherche d'investisseurs ? "La levée de fonds c'est avant tout une réponse d'un dirigeant à un besoin de financement de son entreprise et de son activité", explique Laurent Kruch, banquier d'affaires et fondateur de Karedas Consulting, cabinet accompagnant les réseaux de franchise, de distribution et de retail dans leur stratégie de croissance. Et ce dernier ajoute :
Ce besoin est forcément en lien avec un projet. Cela peut être, par exemple, un liée à une restructuration ou simplement à une ouverture de capital.
Identifier votre besoin
Avant de vous lancer en quête d'investisseurs, posez-vous les bonnes question. Pourquoi cherchez-vous à lever des fonds ? Quels sont vos besoin de financement ? À quoi serviront les fonds levés ? "Il est très important d'identifier clairement ce dont vous avez besoin mais surtout où vous voulez allez, insiste de son côté Nathalie Carré, experte entrepreneuriat au sein de CCI France. Cela nécessite de ne pas être vague, pour vous mais aussi pour vos investisseurs." Autre conseil : mesurez votre capacité de remboursement avant de vous engager. En effet, ayez en tête qu'un investisseur qui vous soutient pensera, dès le départ, à sa sortie. Et donc au bénéfice de vous avoir accompagné. "Aucun fonds ou investisseur aucun injecte de l'argent dans une entreprise pour y rester pendant des années, insiste Laurent Kruch. Les investisseurs gagnent de l'argent par la revente des titres qu'ils détiennent." Et l'expert prévient qu'il ne faut pas, au final, se cantonner à la réussite de la levée de fonds. "Étudiez en détail les conditions dans lesquelles les investisseurs vont intégrer l'entreprise, explique Laurent Kruch, avant d'ajouter :
Tout le travail de l'entrepreneur sera de lever des fonds en diluant le moins possible ses parts. Et donc son pouvoir de décision.
C'est là d'ailleurs tout l'enjeu des porteurs de projet : être capable de financer leurs projets tout en ne laissant pas leur entreprise dans les mains des investisseurs. "Il y a beaucoup d'entreprises qui ont vu leur fondateurs partir. La raison est simple : l'orientation stratégique ne correspondait plus à ce qu'ils recherchaient"., souffle Nathalie Carré. Soyez donc vigilant dans votre process pour éviter toute désillusion. Par exemple, assurez-vous que vos futurs investisseurs partagent vos valeurs et affichent les mêmes objectifs que vous sur la durée. D'ailleurs, côté timing, sachez qu'il n'y a pas de règle. Certains entrepreneurs solliciteront les investisseurs pour financer leur projet dès le démarrage. D'autres en auront besoin pour booster leur croissance, ou pivoter au bout de quelques années. "Clairement, dans certains secteurs d'activité, on ne peut pas faire autrement que de lever des fonds pour amorcer le projet, concède Yves Mboda, entrepreneur et co-auteur du livre Du salariat à l'entrepreneuriat paru chez Dunod. Mais avant de vous tourner vers cette option, épuisez toutes les autres sources de financement (BPI, prêt d'honneur, etc.) !"
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Ne vous perdez pas !
Surtout, les experts que nous avons interrogés sont unanimes : attention, une levée de fonds prend du temps et vous risquez de délaisser l'opérationnel et donc peut-être mettre en difficultés votre entreprise. "Entre la phase préparatoire et le closing, il faut compter au minimum 6 mois. C'est long et cela demande d'être préparé, insiste Laurent Kruch. N'hésitez pas à vous faire accompagner par un banquier d'affaires mais aussi par un avocat spécialisé en droit des affaires. D'une manière générale, c'est le contrôle de votre entreprise qui se joue !" De son côté, Nathalie Carré conseille avant tout de se focaliser sur les clients. "C'est la première étape ! Trop de jeunes entrepreneurs se perdent dans des levées de fonds avant même de convaincre les consommateurs potentiels. Or, l'argent ne doit pas venir des investisseurs mais des clients avant tout!, insiste-t-elle avant d'ajouter :
Il y a une sorte de course à l'échalote concernant les levées de fonds. Je ne dis pas qu'il ne faut s'orienter vers ce levier. Mais ayez en tête que c'est un processus très long et chronophage.
Même constat pour Yves Mboda qui conseille d'être autofinancé le plus longtemps possible. "Ce n'est pas toujours évident, c'est certain. Il y a des secteurs, comme le digital, où c'est d'ailleurs quasi impossible."
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Ne négligez pas votre réseau
Aussi, si votre projet nécessite de la recherche et du développement dès l'amorçage, ayez en tête que certains investisseurs, comme les fonds d'investissement, sont plutôt réticents à s'engager. "Ils financent très peu la R&D. Si c'est votre besoin, tournez-vous plutôt vers des business angels", insiste Yves Mboda. Au lancement du projet, Nathalie Carré conseille par ailleurs de tester votre produit avant même de lever des fonds. "Souvent, les porteurs de projet attendent que tout soit parfait pour lancer leur produit, leur offre ou leur service. Or, il ne faut pas attendre la perfection, souligne-t-elle, avant d'ajouter :
Lancez-vous et prouvez que ça fonctionne. Ensuite, vous pourrez convaincre les investisseurs.
Autre conseil selon les experts : ne négligez pas votre réseau. Certains investisseurs s'impliquent financièrement dans des entreprises uniquement parce qu'on leur a recommandé le projet. N'hésitez donc pas à parler de votre projet autour de vous et activez l'ensemble de vos contacts. "C'est comme ça que j'ai levé des fonds pour mes entreprises. Sur un projet bien avancé, en revanche, j'ai connu un échec parce que j'ai sollicité un fonds d'investissement, souligne Yves Mboda, avant de conclure : Face aux investisseur, n'hésitez pas à voir grand ! Souvent, dans une levée de fonds, on vend du vent ! À tort ou à raison, plus les chiffres sont élevés, plus cela donne confiance !"