Rémi Le Druillenec et Quentin Obadia (Héroïne) : "N'entreprenez pas par égo, vous irez droit dans le mur !"

Camille Boulate
Rémi Le Druillenec et Quentin Obadia (Héroïne) :

© Rémi Le Druillenec et Quentin Obadia.

En 2019, Rémi Le Druillenec et Quentin Obadia ont fondé leur agence de retail design. L'ambition des deux entrepreneurs ? Accompagner les enseignes et les marques dans l'amélioration de leur expérience client dans leurs points de vente physiques.

Face aux mutations constantes du commerce, Rémi Le Druillenec et Quentin Obadia ont fait le choix de créer leur propre agence de design retail en 2019. À l'époque, les deux entrepreneurs se lancent dans l'aventure avant tout pour concrétiser leur vision du marché. "J'avais plusieurs années d'expérience en agence. Je me suis rendu compte qu'il y avait un besoin des clients qui n'était pas du tout satisfait concernant l'amélioration de l'expérience client. J'en ai parlé à mon ancien employeur qui n'a pas été très enthousiaste par mon idée", se souvient Rémi Le Druillenec. Ce dernier, associé à son conjoint Quentin Obadia, se lance alors dans l'aventure en créant l'agence Héroïne. "J'ai toujours eu une approche entrepreneuriale de mon métier en étant force de proposition, explique-t-il, tout en nuançant.

Mais entreprendre n'était pas un but ultime en soi. C'était plus un moyen de concrétiser ma vision.

De son côté, Quentin Obadia s'était déjà confronté à l'entrepreneuriat. Designer de formation, il intègre plusieurs entreprises de joaillerie en tant que directeur studio, notamment pour Boucheron et Vuitton. "En 2016, j'ai fait le choix de me mettre à mon compte, afin de travailler pour plusieurs grandes maisons de luxe, déclare-t-il. À chaque fois que j'accompagnais un client, c'était à un moment stratégique (repositionnement, changement de cible, lancement d'une nouvelle gamme produit…) C'était toujours très intéressant à réaliser."

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Confiance aveugle

Ensemble, les deux entrepreneurs fondent donc Héroïne.  Avec un seul but : miser sur le R.O.X, le "Return on experience". Autrement dit, le "retour en expérience". La mission de l'entreprise est simple : accompagner les marques dans la conception et la mise en place de leurs points de vente physiques, le tout en favorisant une expérience client immersive afin de booster le business. "Rémi avait identifié le besoin d'un marché de niche. De mon côté, je savais m'adapter aux demandes des clients et dessiner une réponse sur-mesure", confie Quentin Obadia. Le duo, en couple depuis cinq ans à l'époque, n'a pas eu de craintes à s'associer. "Nous avions déjà eu l'occasion de collaborer ensemble. C'était, pour nous, la suite logique des choses", insiste Quentin Obadia, avant d'ajouter :

Créer une boîte avec son conjoint possède un gros avantage : vous avez une confiance aveugle en l'autre. Il n'y a pas grand-chose qui peut vous mettre en danger.

Résister au Covid-19

Dès les premiers mois, Héroïne parvient à convaincre ses premiers clients issus du réseau de ses deux fondateurs. "On a pris nos convictions et on est allé frapper aux portes. On avait identifié des marques qui nous semblaient intéressantes à accompagner parce qu'elles étaient issues du digital et commençaient à faire leurs premiers pas en magasins physiques", souligne Rémi Le Druillenec. Avec leur méthode basée sur l'expérience client ils parviennent à séduire et à se bâtir une solide réputation. Si l'activité semblait porteuse avec des clients séduits par leur méthode, les deux entrepreneurs ont pour autant connu quelques turbulences. Lancée fin 2019, leur agence de retail design devra alors composer avec la crise sanitaire, les restrictions de fermetures impactant les acteurs du marché et arrêtant tout investissement dans les magasins physiques. "Si nous n'avions pas d'angoisses à nous lancer, l'arrivée du Covid-19 a été un vrai coup de massue", souligne Quentin Obadia, avant de préciser.

Tous les clients ont suspendu leur projet, tous nos paiements en cours ont été gelés et nous nous retrouvions avec quelques mois de trésorerie.

Les deux associés, qui venaient d'embaucher leurs premiers salariés, ont fait le choix de maintenir les salaires. "Au final, au niveau business, cela a été un vrai accélérateur, concède Rémi Le Druillenec. La crise a forcé les acteurs du retail à proposer autre chose et à nous solliciter."

Répartition des rôles

À la sortie des confinements, un autre défi attend les deux fondateurs d'Héroïne : pouvoir répondre à la demande et donc embaucher des talents comprenant la méthode R.O.X et de la déployer auprès des clients. "Ce fut un moment difficile pour nous. Car paradoxalement c'est la période où nous avons eu beaucoup de business et peu de ressources en interne pour y répondre, concèdent les deux entrepreneurs, avant de préciser :

L'humain était un gros challenge. Pour nous, Héroïne c'est aussi une aventure humaine. On tient à ce que nos employés se sentent bien chez nous.

En moins de trois ans, l'agence a embauché une vingtaine de personnes. Le duo d'entrepreneurs s'est rapidement réparti les rôles. "Rémi est le CEO de l'entreprise. Et moi je suis le chief experience officer. Je suis focalisé sur la partie création et Rémi plus la partie commerciale. À nous deux, on est un peu comme Shiva", insiste Quentin Obadia. Et face à leurs salariés, ils ont joué la transparence immédiatement. "Tout le monde sait que nous sommes mariés. Ce n'est pas un mystère et nous mettons un point d'honneur à ce que cette situation ne soit qu'un avantage", insiste Quentin Obadia.

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Être conscient de ses limites

Avec leur agence, le duo d'entrepreneurs a su convaincre les marques et les enseignes. Ensemble, ils ont d'ailleurs concrétisé leur méthode dans leur classement R.O.X, publié en octobre, et listant les 10 meilleures expériences client du monde. "En tant qu'entrepreneur, il faut toujours avoir en tête les besoins de vos clients. Ces besoins peuvent évoluer en fonction du marché et de la situation économique", souligne Rémi Le Druillenec. En 2022, l'agence Héroïne a dépassé les 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. Leur succès, les deux entrepreneurs le doivent à leur confiance mutuelle. "Au-delà de travailler en couple, dans une association, une il faut être conscient de ses limites et des forces de l'autres", conseille  Rémi Le Druillenec. Et ce dernier ajoute :

Parfois, la conviction de l'autre est meilleure, et il faut avoir l'humilité de l'admettre.

Les deux associés ont d'ailleurs à cœur de ne pas laisser leurs différends personnels envahir leur business. Et de ne surtout pas laisser les désaccords s'intensifier. "Il est extrêmement important de faire bloc et de partager la vision du business", affirme Quentin Obadia. "En couple ou pas, n''entreprenez pas par égo, vous irez droit dans le mur !", conclut de son côté Rémi Le Druillenec.

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