Malgré deux années en demi-teinte liées à la Covid-19, le secteur des services à la personne affiche de belles perspectives sur les prochaines années. Toutefois, si l'activité semble porteuse, les acteurs doivent s'adapter aux nouvelles habitudes des consommateurs ainsi qu'aux changements de réglementation.
Vieillissement de la population, taux de fécondité qui se maintient, volonté de vieillir à son domicile… Plusieurs éléments sociétaux sont favorables au marché des services à la personne. Si logiquement, 2020 a été une année négative pour l'activité, avec une chute du chiffre d'affaires de 12 %, 2021 a été synonyme de rebond. Selon l'institut d'études économiques Xerfi, le secteur a vu son chiffre d'affaires atteindre 18 milliards d'euros (+ 11,5 %), dont la moitié a été réalisée par l'activité intermédiée. Les experts de Xerfi prévoient alors :
Le chiffre d'affaires du secteur (déclaré) dépassera ainsi les 19 milliards d'euros en 2023 et franchira la barre des 20 milliards en 2024.
Parmi les tendances notables : la progression des acteurs privés qui deviendra de plus en plus importante sur le long terme. "Selon les prévisions, les entreprises privées atteindraient 5,4 milliards d'euros en 2024, contre 4,3 milliards d'euros en 2021, représentant une progression de 25,6 % en trois ans, détaille Céline Godio, administratrice et porte-parole de la Fédésap mais aussi directrice générale des enseignes Axeo Services et Âge d'Or Services. En 2021, le secteur privé a d'ailleurs dépassé légèrement le secteur associatif. C'est une vraie tendance de fond."
Axeo Services/Âge d'Or Services : "La multi-franchise est un axe de développement"
Un peu plus d'un an après leur rapprochement, Axéo Services et Âge d'Or Services affichent un maillage territorial respectif de 100 et 240 agences. "Il existe encore de nombreuses zones à pourvoir. Nous ouvrons une vingtaine d'agences Axeo Services par an. Sur Âge d'Or Services, le développement est un peu moins soutenu, avec 5 agences chaque année. Quoiqu'il en soit, des synergies sont clairement à prévoir. La multi-franchise est notamment un axe de développement", insiste Céline Godio, directrice générale des deux enseignes.
Nouveauté réglementaire
La croissance devrait être également boostée par la généralisation progressive de l'avance immédiate de crédit d'impôt, mise en place depuis quelques mois pour certaines prestations, comme la garde d'enfants de plus de 6 ans. S'il est encore un peu tôt pour en tirer un vrai premier bilan, le dispositif, qui devrait être généralisé à l'ensemble des services à long terme, favorisera certainement l'activité. Céline Godio confie ainsi :
C'est un vrai levier de croissance pour le secteur puisque les bénéficiaires n'ont plus à avancer l'argent. C'est une façon de faciliter l'accès à nos prestations.
Car l'une des particularités du secteur des services à la personne reste la concurrence du travail non déclaré. Même si le travail au noir tend à diminuer au profit des entreprises prestataires, il représente encore près de la moitié de l'activité du marché, selon Xerfi. "C'est difficile d'avoir des statistiques officielles concernant la part du travail au noir. On sait en revanche que cela existe toujours. L'avance immédiate du crédit d'impôt permettra de prendre des parts de marché à ce travail dissumulé car, finalement, car le coût sera le même pour le client", insiste Jean-François Auclair, directeur général d'O2 Care Services.
Lire aussi :
| Entreprendre en temps de crise : faut-il vraiment se lancer ?
Même constat du côté de Claire Lanneau, fondatrice du réseau Babychou Services : "Il est clair qu'un parent n'a plus aucun intérêt à faire appel à des intervenants non déclarés. L'avance immédiate du crédit d'impôt est une vraie opportunité pour convaincre les familles qui n'auraient pas, de prime abord, pensé à nos services", insiste-t-elle.
Les Menus Services : "L'inflation est un vrai enjeu pour notre enseigne"
Spécialisé dans le portage de repas à domicile, le réseau Les Menus Services affiche de belles performances. Avec 120 agences au compteur, l'enseigne devrait atteindre un chiffre d'affaire avoisinant les 50 millions d'euros en 2022. "Il y a encore du potentiel puisque notre ADN est d'être au plus proche des clients. Donc notre volonté est de couvrir les territoires les plus isolés", insiste Corinne Duplat, directrice générale de l'enseigne. Chaque année, le réseau accueille une vingtaine de nouvelles agences. Si l'activité est porteuse, le réseau Les Menus Services fait face à différents défis liés à la conjoncture économique. "L'inflation est un vrai enjeu pour notre enseigne. Les approvisionnements également. Notre concept absorbe toutes les contraintes avec la hausse des coûts de l'énergie et des produits alimentaires. Nous ne pouvons répercuter l'ensemble de ces augmentations mais nous avons été contraints d'augmenter nos tarifs, déplore Corinne Duplat avant d'ajouter : Heureusement nos clients bénéficient du crédit d'impôt et d'autres aides dédiées à la dépendance, permettant d'avoir un reste à charge pas trop élevé. Nous avons aussi plusieurs gammes qui permettent de nous adapter à tous les revenus."
S'adapter aux changements d'habitudes
Le secteur se caractérise aussi par la diversité de services proposés alliant entretien de la maison, garde d'enfant ou encore dépendance. Parmi ces segments de marché, l'entretien de la maison reste dynamique selon Jean-François Auclair. "C'est le deuxième marché le plus plébiscité. Toutefois, même si la croissance est là, on sent une certaine hésitation des clients due au contexte économique." Sur le segment de la garde d'enfants, les nouvelles habitudes prises pendant la crise sanitaire et notamment le télétravail, entraînent les acteurs des services à la personne à s'adapter. "Les parents ont pris un rythme différent et se sont habitués à rester chez eux pour télétravailler un à deux jours par semaine. Cela a un impact : les familles font moins appel à nous de façon régulière, constate Claire Lanneau avant d'ajouter :
Mais c'est compensé par d'autres demandes, notamment sur la partie événementielle (fête, anniversaire ou mariage) qui a bien redémarrée.
Pour O2 Care Services, le marché de la garde d'enfant parvient toutefois à s'adapter aux nouvelles attentes des Français. "Les familles font appel à nous de manière différente, confie Jean-François Auclair. Désormais, on est plus sur une consommation à l'heure sur la garde d'enfant, que sur un volume bien défini à l'avant. Surtout, les parents sont en recherches de méthodes pour éveiller leurs enfants."
O2 Care Services : "Il nous reste une centaine de zones à pourvoir"
Avec ses différentes enseignes, le groupe Oui Care couvre tous les marchés des services à la personne. "Nous aurons 500 agences O2 Care Services d'ici la fin de l'année et nous avons encore une centaine de zones à pourvoir, insiste Jean-François Auclair, directeur général de l'enseigne. Pour Apef, nous avons 140 unités et nous visons les 200 implantations d'ici deux ans." Le groupe teste aussi depuis plusieurs mois de nouveaux concepts comme La Compagnie des Lavandières, axé sur l'entretien du domicile. "La particularité de ce réseau ? Nous fonctionnons avec un management semi-libéré. 15 agences sont opérationnelles et nous avons le potentiel d'en accueillir une quinzaine par an", insiste Jean-François Auclair. Enfin, dernier né du groupe, Les Bienveillants, annoncé il y a quelques jours. "C'est une marque uniquement développée en mandataire et pour laquelle l'ensemble du territoire est ouvert. Nous pouvons facilement accueillir 200 agences à terme en France", affirme Jean-François Auclair.
La spécificité de la dépendance
Sans surprise, le segment de marché le plus porteur reste celui de la dépendance. Portée par le désir de nos aînés de vieillir à domicile et une espérance de vie de plus en plus longue, l'aide aux personnes âgées affiche un potentiel quasi sans limites. "Le secteur est vraiment soutenu par cette tendance démographique et représente, à lui seul, 56 % du chiffre d'affaires global du marché des services à la personne", insiste Céline Godio. D'ailleurs, le marché a logiquement bien résisté aux périodes de confinement. "Nous sommes aujourd'hui dans une situation revenue à la normale, confirme Corinne Duplat, directrice générale de l'enseigne de portage de repas Les Menus Services avant d'ajouter :
Nous avons beaucoup été sollicités pendant la période du Covid-19. Nous avons affiché 30 % de croissance.
Seule ombre au tableau sur ce marché porteur : la difficulté pour les acteurs prestataires d'obtenir les autorisations d'exercer, délivrées par les conseils départementaux depuis 2015. "Nous sommes dans un marché presque fermé qui ne fonctionnera, à terme, qu'avec des appels d'offres lancés par les conseils départementaux, ce qui rendra les nouvelles ouvertures encore plus difficiles, admet Jean-François Auclair avant de lancer :
C'est d'ailleurs, à mon sens, contraire à la liberté d'entreprendre. Cela freine clairement le développement.
De son côté, Céline Godio renchérit : "Certains départements ont totalement bloqués la délivrance de ces autorisations. L'intention de la loi était de faciliter le développement sur ce type d'activité, on en est loin." Si cette dernière assure obtenir encore le fameux sésame pour ses futurs franchisés, d'autres enseignes sont contraintes quant à elles de s'adapter. Pour contourner les difficultés de développement liées aux autorisations non délivrées, plusieurs réseaux nationaux proposent à leurs partenaires d'exercer en mode mandataire, ne nécessitant pas les mêmes autorisations mais impliquant que le bénéficiaire soit directement l'employeur de l'intervenant. "Notre ADN est d'être une entreprise prestataire. Mais nous n'avons pas le choix de nous orienter vers ce mode d'activité car nous proposons une activité d'aide aux personnes âgées et nous nous devons de répondre à la demande. Nous sommes obligés de s'adapter à ces nouvelles règles du jeu", confie Jean-François Auclair. Vous l'aurez compris, quel que soit le segment de marché que vous viserez, le secteur des services à la personne reste porteur. Mais soyez vigilant avant de passer le cap et ne négligez pas l'étude de marché qui vous permettra d'affiner votre projet.
Babychou services : "Notre objectif ? Passer le cap des 200 agences en 2025"
L'enseigne dédiée à la garde d'enfant a retrouvé son activité d'avant-Covid, avec une croissance de 20 % de son chiffre d'affaires par rapport à 2019. "Nous avons également accueilli de nouvelles agences qui prendront véritablement leur envol cette année", explique Claire Lanneau, fondatrice de Babychou Services. Et le réseau ne cache pas ses ambitions : "Notre objectif ? Passer le cap des 200 agences en 2025. Cela devrait être possible de deux manières : en accueillant de nouveaux franchisés sur des villes de taille moyenne, qui ont besoin de services de garde d'enfants. Mais aussi grâce à la multi-franchise", précise Claire Lanneau.