Simon Murat (Le Passe Temps) : "En reprenant l'entreprise, je ne voulais pas tout révolutionner"

Camille Boulate
Simon Murat (Le Passe Temps) :

Après avoir été salarié pendant près de 15 ans ans au sein du magasin Le Passe Temps, situé à Toulouse, Simon Murat a repris les rênes du point de vente courant 2021. Un défi pour le jeune homme, qui n'était pas du tout destiné à devenir chef d'entreprise. Aujourd'hui, il allie gestion d'entreprise, management et visibilité sur les réseaux sociaux. Avec un seul but : faire connaître la sphère ludique au plus grand nombre. 

Tombé dans le monde du jeu de société par hasard, Simon Murat était loin d'être destiné à devenir entrepreneur. Au contraire, le trentenaire se voyait davantage professeur ou comédien. "L'idée même de travailler en tant que vendeur, dans un commerce, m'était totalement étranger", confie-t-il. C'est en 2007, alors qu'il se passionne petit à petit pour les jeux de société, Simon Murat passe la porte du magasin toulousain Le Passe Temps. À l'époque, la boutique gérée par Bruno Desch recherchait un vendeur. L'entrepreneur se souvient alors, amusé :

J'ai vu de la lumière et je suis rentré. Si cela pouvait allier le boulot et la passion, c'était top.

Ce qui devait être un petit boulot façonnera finalement son destin de futur chef d'entreprise. Car, au bout de quelques années, la question de la reprise du magasin se pose. "L'idée a émergé 5 ans après mon arrivée, de manière assez informelle. Bruno venait d'avoir 50 ans et il a commencé à en parler. Cela est devenu plus concret au décès de son épouse, en 2014, se souvient Simon Murat. Il voulait anticiper. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à clarifier les choses."

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De collègue à patron

Finalement, la reprise du point de vente sera officielle en 2021, après les confinements. À cette époque, le magasin comptait 6 employés, qu'il fallait désormais manager. "Je n'avais pas d'appréhension de passer de collègue à patron. Je connaissais les équipes et il n'y avait pas de raisons que cela déstabilise l'entreprise, explique Simon Murat. Pour autant, il y a eu un questionnement général sur le fait que cela change quelque chose dans les relations humaines. Aujourd'hui, je n'ai pas la sensation que tout ait été bousculé. En revanche, tout le monde a conscience que je gère la société désormais." Et à la question : pourquoi ne pas avoir repris le magasin avec un associé, Simon Murat répond simplement :

J'ai vu trop de gens se déchirer pour des questions de gestion. J'ai donc préféré reprendre seul l'entreprise mais tout en conservant un management le plus horizontal possible et en étant à l'écoute de mes salariés.

Le chef d'entreprise concède toutefois que tout n'est pas rose et que sa nouvelle posture l'a amené à gérer des situations compliquées. "Il y a des tas de choses sur lesquelles j'ai dû trancher, évidemment. Ce qui est le plus compliqué, en tant que patron, c'est de se dire que l'on a la responsabilité des équipes et de voir que certaines de nos décisions vont impacter la vie des gens de manière négative, insiste Simon Murat. Dans ce genre de situation, la remise en question du dirigeant est nécessaire et la discussion permet de désamorcer les problèmes."

Mettre sa patte

L'un des défis de Simon Murat, dans la gestion de la société, fut d'y mettre sa touche personnelle, sans pour autant tout bousculer. "En reprenant l'entreprise, je ne voulais pas tout révolutionner. Je n'allais pas casser une machine qui fonctionnait parfaitement, concède-t-il. En revanche, je voulais y injecter un coup d'accélérateur." Dans son nouveau rôle, le jeune entrepreneur se fait accompagner par l'ancien gérant, notamment sur l'aspect comptabilité. "Un point crucial, estime-t-il. Il y a une vraie différence entre 'je gère une boutique et je vends des jeux'. Il faut être vigilant à la trésorerie et avoir cette vision au long cours que l'on n'a pas forcément en tant qu'employé." Si l'ancien gérant est toujours présent quand Simon Murat le sollicite, il a su toutefois totalement s'éclipser dès que l'entreprise ne lui appartenait plus. "Je suis assez admiratif. Car le jour où il m'a transmis la boutique, il a totalement passé la main. Il a eu un détachement immédiat et ce n'est pas facile en tant que chef d'entreprise", admet-il. Un détachement qui a toutefois apaisé Simon Murat, plutôt que de l'inquiéter.

Clairement, cela m'a rassuré. Au début, il passait de temps en temps et regardait les chiffres sans me donner son avis. S'il y avait eu quelque chose qui n'allait pas, il me l'aurait dit. Le fait qu'il ne m'alerte pas m'a fait comprendre que je n'étais pas en train de me planter.

Médiatiser le marché

Avec la reprise de la boutique, Simon Murat a dû également continuer et renforcer la présence du Passe Temps sur les réseaux sociaux. Car l'une des marques de fabrique du point de vente toulousain reste les deux chaînes Youtube - Le Passe Temps et L'Extension du Passe Temps - lancées en 2016, et réunissant près de 100 000 abonnés. L'objectif ? Rendre médiatique les jeux de société. "Mais aussi faire comprendre ce que pouvait être un magasin de jeux. Je ne voulais pas qu'il arrive la même chose qu'aux librairies et que les consommateurs se passent des points de vente physiques", scande l'entrepreneur, à l'origine des vidéos. Ces dernières, bercées par son fameux "Bonjour Camarade de la chose ludique", trouvent tout de suite leur public. Aujourd'hui, le chef d'entreprise a investi dans un studio et multiplie, à l'aide de ses équipes, les formats.

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Une médiatisation qui permet à Simon Murat d'être reconnu dans le milieu ludique et de pouvoir faire, parfois, bouger les lignes. "Il y a une crise écologique dans laquelle le monde du jeu a sa part. Les consommateurs comme les fabricants ne prennent pas conscience de certaines choses. On le voit, il y a trop de jeux qui sortent par semaine, majoritairement confectionnés en Chine à base de plastique. Et les placards des joueurs sont pleins. On se demande, finalement, si c'est vraiment normal de consommer autant, confie-t-il. Il y a encore une éducation à faire et j'en parle souvent, en privé, aux éditeurs. Certains commencent à évoluer et c'est plutôt positif." À plus grande échelle, Simon Murat tente de sensibiliser le public via une chronique mensuelle sur France Inter, dans l'émission La Terre au Carré. "J'essaie d'y mettre en avant les initiatives louables et emblématiques portées par certains acteurs ludiques, détaille-t-il. D'un point de vue personnel, j'étais super content que France Inter me sollicite. Plus largement, qu'une radio souhaite évoquer ces thématiques à une heure de grande écoute montre que la société évolue et c'est rassurant."

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Et pourquoi pas la franchise ?

Aujourd'hui, Simon Murat reste confiant quant à l'avenir du secteur et de son entreprise. L'activité a été boostée, incontestablement, lors des confinements et l'année 2021 a encore bénéficié de cet engouement. "Il y a eu un effet de rattrapage, assure-t-il. Les chiffres se sont, à l'heure actuelle, stabilisés. Le Passe Temps a réalisé, l'année dernière, 1,8 million d'euros de chiffre d'affaires, soit une hausse de 30 %. Mais on le sait, il y aura des périodes de creux. Il faut donc toujours avoir un œil sur les stocks." Un succès qui donne envie, à des futurs entrepreneurs, de développer le modèle. "La question se pose régulièrement, en interne mais aussi par des sollicitations extérieures, d'ouvrir une autre boutique, admet Simon Murat avant d'ajouter :

Mais ce qui fait le succès du Passe Temps aujourd'hui c'est l'humain et la proximité.

À moyen terme, la franchise n'est donc pas une option pour le chef d'entreprise. "Quand on développe plusieurs boutiques, on n'a plus forcément la main dessus. J'ai peur de perdre l'ADN du Passe Temps, concède l'entrepreneur, avant de conclure : Ce sont des interrogations qui évolueront peut-être à long terme. Mais, à l'heure actuelle, je n'ai pas l'impression que le concept du Passe Temps est complètement abouti. L'idée de dupliquer le modèle n'est donc pas encore là."

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