Après avoir commencé sa carrière en tant qu'ingénieur informatique, Thomas Huriez se lance dans l'entrepreneuriat en ouvrant un magasin de vêtements biologiques et équitables à Romans-sur-Isère, en 2007. Une première étape qui le conduira à fonder, en 2013, sa propre marque de jeans baptisée 1083. Avec une seule ambition : faire un jean 100 % français.
Informaticien de formation, Thomas Huriez n'était pas prédestiné à devenir entrepreneur. Et pourtant, après un début de carrière professionnelle en tant que responsable informatique à Grenoble, il décide de se lancer et d'ouvrir son propre magasin, spécialisé dans la vente de vêtements biologiques et équitables. "Je souhaitais retourner vivre à Romans-sur-Isère, ville de mes grands-parents et arrières grands-parents. Je me suis installée dans leur ancienne maison et ai transformé la maison voisine en une boutique", se rappelle Thomas Huriez, avant de préciser :
C'était en 2007. La mode éthique en était à ses débuts et catégorisée 'baba cool'. Mais cela avait énormément de sens pour moi, alors je me suis lancé.
L'entrepreneur l'avoue : il n'y connaissait rien à la mode; au commerce et ne se rendait pas forcément compte des difficultés de ce secteur d'activité. "Surtout, mon magasin était situé en face d'un grande centre commerciale dédié à l'outlet. Je me suis aperçu que pour convaincre davantage, il fallait que j'ai une collection encore plus désirable. Les bonnets péruviens, c'est sympa mais tout le monde n'en porte pas !", ironise-t-il.
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Créer une marque pour enrichir son offre
Malgré la spécificité de son offre, Thomas Huriez parvient à séduire les clients et à se bâtir une réputation. Pour autant, les deux premières années, l'entrepreneur vit sur ses économies. "Puis l'activité s'est développée, j'ai pu me rémunérer et faire connaître davantage le magasin", confie-t-il. Mais le chef d'entreprise était confronté à un autre problème de taille. "J'étais frustré du décalage qui existait entre la désirabilité assez faible de l'offre, destinée à une clientèle très ciblée, et l'universalité des idées qu'il peut y avoir via ce type de produits, plus vertueux et respectueux de la planète", insiste-t-il avant d'ajouter :
Car, au final, tout le monde est pour le respect et la préservation de l'environnement.
Parallèlement, les marques qu'ils vendaient dans son magasin proposaient de moins en moins de références, l'obligeant à s'adapter. "C'est pour enrichir mon offre que j'ai commencé à m'intéresser au jean. J'ai cherché des confectionneurs de jeans français mais il n'y en avait plus", détaille-t-il.
La promesse du Made In France
De fil en aiguille, Thomas Huriez affine son idée, parvient à convaincre un tisseur et une société de prototypage de l'accompagner. 1083 est né. "Le nom de l'entreprise était une évidence : c'est la distance qui sépare les deux villes les plus éloignées de l'Hexagone", insiste-t-il, avant de souligner :
C'est tout le sens de notre démarche et de notre promesse : toutes les étapes de confections de notre jean devaient se faire en France.
Thomas Huriez crée donc la marque en 2013 et amorce une campagne de financement participatif pour tester l'appétence des consommateurs pour un jean premium, 100 % made in France. L'objectif initial était de vendre 100 jeans. Finalement, la philosophie de l'entreprise séduit et Thomas Huriez parvient à convaincre 1 000 clients. "C'était extraordinaire qu'autant de consommateurs se sentent concernés par un sujet encore marginal et soient prêts à acheter un jean à 100 euros. Même si tout le projet faisait sens pour moi et que j'étais serein quant au positionnement de la marque, je savais que cela ne pouvait pas coller avec les attentes des clients. J'étais loin d'imaginer un tel plébiscite", confie Thomas Huriez.
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Gérer le succès
Séduire les clients c'est bien, mais il fallait ensuite répondre présent puisque le chef d'entreprise n'avait pas forcément anticipé un tel succès et donc prévu les capacités de production en conséquence. "On est allé voir nos partenaires pour leur dire que l'on avait reçu plus de précommandes. En parallèle, nous avons expliqué aux clients qu'il allait falloir patienter un peu plus pour recevoir leurs produits", détaille Thomas Huriez. Une étape qui lui a permis de prendre conscience qu'être entrepreneur c'est faire face à une instabilité permanente. "Quand les choses se déroulent mieux que prévu, c'est agréable, mais c'est un vrai déséquilibre", insiste-t-il. Et le chef d'entreprise ajoute :
Si vous n'aimez pas le déséquilibre, ne devenez pas entrepreneur ! Dans l'entrepreneuriat, on développe constamment sa capacité à mieux gérer ce type de situations.
Recréer une filière durable
En 10 ans, la marque a su se bâtir une solide notoriété et convainc chaque année de plus en plus de clients. En 2022, 1083 a vendu 50 000 jeans et affiche 12 millions de chiffre d'affaires. Et l'enseigne reste consciente du potentiel. "En France, 88 millions de jeans sont vendus chaque année. La progression est donc énorme. Mais notre frein reste notre capacité de production. C'est notre principal enjeu", souligne Thomas Huriez. Et ce dernier précise :
C'est pour cela qu'on investit dans les ateliers de tissage et de filature. Nous avons, par exemple, notre propre atelier de confection dans les Vosges qui nous permettra d'augmenter notre capacité.
Parallèlement, pour davantage faire connaître ses produits, Thomas Huriez développe son propre réseau de magasins. Déjà présents chez 130 revendeurs sur le territoire Français, 1083 veut aussi évoluer avec son propre réseau de points de vente. À date, l'enseigne compte 5 magasins, dont 4 en cours de rénovation. "Nous harmonisons l'ensemble du réseau. C'est l'objectif de 2023. Nous verrons ensuite comment cela fonctionne et nous étudierons probablement un déploiement via des partenaires indépendants, affirme Thomas Huriez. Quand vous redéveloppez une filière comme nous le faisons, ce sont des enjeux à long terme."
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Ne pas résister aux changements
Si le potentiel est là, le chef d'entreprise est conscient que l'année 2023 peut réserver des surprises. Notamment à cause de l'augmentation des matières premières et du prix de l'énergie. "On n'a aucune idée de ce qui nous attend. On sait que cela peut être une année compliquée et que les marges vont être tendues. Nous essayons de limiter les hausses de prix sur nos produits pour rester les plus compétitifs", insiste Thomas Huriez. Aux futurs entrepreneurs, le chef d'entreprise conseille une seule chose : "Soyez le plus agiles possibles. Ne résistez pas aux changements dont votre entreprise a besoin et soyez téméraires", confie l'entrepreneur. Et ce dernier d'ajouter :
Dans l'entrepreneuriat, je n'ai pas rencontré un seul génie. Mais, en revanche, je rencontre des personnes qui ne lâchent rien, qui se battent et se remettent en question. Ce sont ces entrepreneurs qui parviennent le mieux à rebondir.
Associé à son petit frère, Thomas Huriez affirme que sans lui, il n'aurait pas pu donner une telle ampleur à son entreprise. "Nous sommes très complémentaires. Lui est très organisé et aime rester dans l'ombre. Moi je suis plus un développeur et focalisé sur les enjeux industriels. L'un sans l'autre, 1083 n'existerait pas !", conclut-t-il.